Bonaparte
certaines pierres demeuraient-elles bonnes, mais il fallait les retailler afin qu’elles puissent trouver leur place dans le nouvel édifice.
L’anarchie, on le devine, n’avait nullement cessé avec l’effondrement du Directoire. Pillages et rapines prenaient le plus souvent le visage affreux de la guerre civile. Fait divers entre cent : au son du tambour, brandissant le drapeau blanc, une bande arrive à Montpezat, dans l’Ardèche : « Ils sont entrés au nombre de cent, bien armés, entre onze heures et minuit, mandait un fonctionnaire du ministère, se sont emparés des rues et de la place, défendant aux citoyens de se mettre aux fenêtres avec menace de les y fusiller. Un détachement avec un de leurs chefs a forcé les portes du receveur de l’enregistrement... Ensuite, ils se sont fait conduire chez le percepteur dont ils ont brisé les portes et ne trouvant point de fonds, ils ont pris ses effets et ses armes. Tout cela s’est fait comme à l’ordinaire aux cris de : Vive la Religion ! Vive Louis XVIII ! À bas la République ! formules très adroites et qui souvent paralysent ou tournent à leur profit l’action d’un peuple ignorant et superstitieux. »
Avant tout, pacifier l’Ouest de la France ! Il faut que le conflit ne s’éternise point. Une seule solution : trancher dans le vif pour en finir une fois pour toutes. Et les ordres partent des Tuileries :
Au général Gardanne : « Faites que j’apprenne bientôt que vous avez surpris à la pointe du jour les principaux rassemblements de Chouans, que vous les avez dispersés. »
Au général Chabot : « Que faites-vous, citoyen général ? Je n’entends point dire que vous ayez surpris aucun rassemblement de Chouans. »
Au général d’Arnaud : « Marchez ; que j’apprenne par votre premier courrier que vous avez dispersé, désarmé et détruit les brigands de la Sarthe... »
Cependant, il recommande au général Brune d’avoir « une grande tolérance pour les prêtres ».
Bientôt Bretons et Normands sont aux abois : l’un des premiers, Cadoudal, encerclé, accepte de livrer ses canons et ses fusils et de rencontrer le Premier consul. Bonaparte reçoit ce « gros Breton », ainsi qu’il a le tort de l’appeler, et essaye de le gagner au parti de la paix. Ils ne se plaisent ni l’un ni l’autre. « C’était un fanatique, racontera Bonaparte, je l’émus sans parvenir à le convaincre. Au bout d’une demi-heure, je n’étais pas plus avancé qu’au commencement. Il voulait conserver ses bandes et ses armes. Je lui répliquai qu’il ne pouvait y avoir un État dans l’État. »
Le consul ne parvient pas à convaincre le Chouan, en effet, car l’ex-cadet gentilhomme de Buonaparte traite si dédaigneusement ce fils de meunier que, ulcéré « Georges » – ainsi que tous l’appelaient – n’a désormais plus qu’une idée en tête : se venger, ranimer l’insurrection et surtout, montrer ce qu’il désignait par ces mots : « le coup essentiel », autrement dit l’assassinat de Napoléon. S’abouchant avec Hyde, il s’enfuira de Paris, gagnera Londres avant de revenir en France mettre au point ses projets.
Nous le retrouverons.
Les Vendéens accepteront d’être « pacifiés ». Aux termes du traité devant mettre fin à la guerre vendéenne, les combattants seront contraints de remettre leurs armes « sauf s’ils étaient fermiers et propriétaires ». Ils l’étaient dans une proportion de 99 % – et l’Ouest resta armé.
Subsistait encore, en Normandie, Frotté qui, menant dans l’Orne une véritable guérilla, tenait en échec les troupes consulaires.
— Jamais l’ordre de rendre les armes ne sortira de ma bouche ni de ma plume, déclare-t-il.
Mais les forces qui lui sont opposées vont obliger Frotté à entrer en pourparlers avec les généraux du Premier consul. Il consent, pour négocier, à se rendre à Alençon, muni d’un sauf-conduit. Par suite d’une erreur ou d’un quiproquo, Bonaparte croit que le chef chouan accepte une reddition sans conditions et donne des ordres en conséquence. Aussi le général Guidal, au mépris de la parole donnée, arrête-t-il Frotté et ses lieutenants et décide-t-il de les expédier, prisonniers, vers Paris. En cours de route – à Verneuil –, un ordre du Premier consul vient à la rencontre du convoi : une commission militaire doit siéger sans désemparer et juger les « brigands ». Les membres de la commission, estiment que les conditions de
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