Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
Vom Netzwerk:
linon de Saint-Quentin ; mais un sourire nous trahissait et, à l’instant, ses doigts partageaient en deux la robe étrangère. Ce désastre des toilettes se répéta plusieurs fois, et il fallut en venir au satin et au velours. La mode acheva ce que le Consul avait commencé et ce qu’il n’eût pas obtenu sans elle, car les shalls de Cachemire, malgré les fréquentes menaces de les brûler, survécurent à la proscription. »
    Qu’elle soit revêtue de mousseline anglaise ou de velours français, Bonaparte admire sa femme qui, dans son fameux salon jaune, évolue avec grâce, et sait mettre ses invités à l’aise – des ménages de fonctionnaires souvent un peu gênés de se trouver là... Elle connaît l’art de recevoir, cet art si difficile que, épouse séparée d’Alexandre de Beauharnais, elle a acquis à l’époque déjà lointaine où elle s’était réfugiée au couvent de Panthémont. Elle a de l’esprit – expression devenue intraduisible – et pour l’instant, Bonaparte qui ne pense pas encore à créer une dynastie, a abandonné l’idée de se séparer d’une auxiliaire précieuse qui tient fort bien sa place dans son oeuvre de reconstruction. Il désire qu’elle soit pour le nouveau régime une manière de reine.
    — Je veux que tu sois éblouissante de parure et richement habillée, entends-tu bien ?
    Il ne fallait certes pas prier la « consulesse » pour qu’elle se pare... Mais, ce jour-là, elle ne s’en exclame pas moins :
    — Oui, et puis ensuite, tu fais des scènes, tu cries, tu raies mes bon à payer au bas de mes mémoires !
    Et elle se met à bouder « comme une petite-fille, en faisant une mine toute gracieuse », nous dit un témoin. Elle était ainsi, parait-il, irrésistible et il ne lui résistait point.
    — Sans doute, reprend-il, je biffe quelquefois tes bon à payer, parce que tu te laisses parfois tellement attraper qu’il y a conscience à autoriser pareils abus. Si je te recommande d’être magnifique dans les occasions d’apparat, je n’en suis pas moins très conséquent avec moi-même. Et, comme il faut une balance pour peser tous les intérêts, je la tiens d’une main équitable quoique sévère.
    Tenir cette balance lorsqu’il s’agissait des dépenses de sa femme devenait quasi impossible. L’addition se montait alors à six cent mille francs. C’est Talleyrand qui avait parlé au nouveau maître de la détestable impression que pouvait faire dans le public les factures impayées de la première dame de France. La colère du Premier consul fut terrible. Elle n’empêcha pas Joséphine, à qui Napoléon fit verser, chaque année des sommes de plus en plus considérables, de faire des dettes vertigineuses jusqu’à sa mort. Par comble – et là, on croit rêver –, Fouché, pour savoir ce qui se passe dans « l’intérieur » du ménage consulaire, remet à la créole mille francs par jour pour espionner son mari... Et le ministre de la Police, pour être encore mieux informé de ce qui se dit et se fait dans le Cabinet du Consul, donne en outre la moitié de cette somme à Bourrienne. Ce dernier, selon le mot de Napoléon, « flairait l’argent », il le « humait » véritablement. Talleyrand, lui-même, trouva que le secrétaire exagérait dans ses tripotages avec les fournisseurs de l’armée.
    — Vous allez bien vite... Vous vous perdrez !
    — Oh non, répondit Bourrienne, c’est impossible. J’ai couché dans la tente de l’Empereur en Égypte.
    « Talleyrand, rapportera Napoléon me demanda ensuite ce que cela voulait dire. »
    — J’avais une tente composée de plusieurs pièces lui expliqua Bonaparte, les officiers d’état-major couchaient dans une partie...
    « Pour peu que Bourrienne eût été joli garçon, poursuivra Napoléon, Talleyrand en eût conclu qu’il y avait eu des liaisons plus intimes. »
    Le Premier consul chassera un jour son secrétaire, l’ayant surpris à plusieurs reprises la main dans le sac :
    — Il volait trop impudemment ! Qu’on le regarde, s’exclamera le consul, on lui trouvera un oeil-de-pie !

    Bonaparte n’avait pas attendu le résultat du plébiscite – résultat sans précédent puisque trois millions douze mille cinq cent soixante-neuf Français, contre seulement quinze cent soixante-deux, avaient approuvé le changement de régime – il n’avait pas attendu pour réédifier cette France qui, nous l’avons dit, n’était plus qu’un amas de décombres. Sans doute

Weitere Kostenlose Bücher