Bonaparte
la capture ne doivent point influencer leur jugement ; ils condamnent à mort les sept chouans qui sont aussitôt exécutés – ou plutôt affreusement massacrés ; le peloton ayant été insuffisamment composé...
Sans doute Bonaparte reconnut-il qu’il avait été trompé – il le dira à Hédouville –, mais, comme plus tard pour le duc d’Enghien, il ne désavoua pas plus Guidal d’avoir manqué à la parole donnée, que la commission d’avoir agi avec une hâte criminelle. Il chargea Roederer d’annoncer à la Chambre « la prise de Frotté et de son état-major » :
— Voici, poursuivit Roederer, une partie des effets mobiliers pris sur lui ; ce sont des croix de Saint-Louis, des fleurs de lys, des cachets aux anciennes armes de France et des poignards de fabrique anglaise.
Ainsi que le remarquera Albert Vandal : c’étaient là de « tristes débris de guerre civile, vilains trophées ! Bonaparte en avait eu de trop beaux à montrer pour exhiber ceux-là. »
Si la faiblesse du Directoire obligeait le défunt régime à, gouverner en donnant des coups de barre à droite, puis à gauche, afin de s’appuyer à tour de rôle sur les deux forces opposantes, et à les amoindrir du même fait, Bonaparte est contraint de museler presque simultanément Royalistes et Jacobins.
— Je traite la politique comme la guerre, dira-t-il » j’endors une aile pour battre l’autre.
« Considérant que la plupart des journaux de Paris sont aux mains des ennemis de la République », Napoléon exécute d’abord les feuilles royalistes. Les gazettes d’extrême gauche sont au début, laissées libres d’agir. Mais les Jacobins ne demeurent point tranquilles. Anciens révolutionnaires, terroristes que leur passé par trop rouge a exclus des places – on les appelle d’ailleurs des exclusifs – ils conspirent ferme contre le Premier consul. Eux aussi parlent de massacrer Bonaparte sans tarder. Ainsi que le précise un rapport de police : « si d’un côté les royalistes se remuent et cherchent à culbuter le gouvernement, il est démontré que les anarchistes visent au même but par des moyens beaucoup plus expéditifs » – ce qui n’était pas peu dire. Les mauvaises nouvelles reçues au début de germinal de l’armée d’Italie – Savone a été repris – ont permis à certains agitateurs des deux bords de faire souffler un vent de panique sur Paris : on parle d’arrestations de royalistes, de complot des jacobins, d’un attentat préparé contre le Consul. Les spéculateurs jouent à la baisse. Des estrades improvisées se dressent aux carrefours où les bateleurs politiques propagent les fausses nouvelles aux badauds. Les pamphlets circulent, hurlés par les crieurs – tel celui-ci : « Le passé m’a trompé, le présent me tourmente et l’avenir m’épouvante. »
Encore un tour de vis ! Il le faut, si l’on veut sauver le nouveau régime.
Le 5 avril 1800, Lucien Bonaparte reçoit cette note dictée par son frère : « Les Consuls de la République désirent, Citoyen Ministre, que vous fassiez connaître aux entrepreneurs des différents théâtres de Paris qu’aucun ouvrage dramatique ne doit être mis ou remis au théâtre qu’en vertu d’une permission donnée par vous... Le Premier consul verrait avec plaisir la suppression du couplet qui lui est personnel dans le vaudeville du Tableau des Sabines. »
À présent, des mesures plus sérieuses : ce même 5 avril, Bonaparte fait écrire à Fouché : « L’intention des Consuls de la République, Citoyen Ministre, est que le journal Le Bien Informé, celui des Hommes Libres et celui des Défenseurs de la Patrie, ne paraissent plus à moins que les propriétaires ne présentent des rédacteurs d’une moralité et d’un patriotisme à l’abri de toute corruption. Vous exigerez que chaque numéro de ces journaux soit signé du rédacteur avoué. »
La France est également mise à l’encan par ceux qui sont chargés de la gérer, aussi Bonaparte dicte-t-il cette nouvelle note destinée à Lucien : « Depuis 1790, les trente-six mille communes représentent en France trente-six mille orphelines... filles délaissées et pillées depuis dix ans par les tuteurs municipaux... En changeant de maires, d’adjoints et de conseillers, elles n’ont guère fait en général que changer de mode de brigandage ; on a volé le chemin vicinal, volé le sentier, volé les arbres, volé l’église, volé le mobilier de la commune, et on vole
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