Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
Vom Netzwerk:
dira : Napoléon. Et cela, ajoute-t-il tout en regardant la date, ma foi : dès ce soir !
    — Mon Dieu ! vous n’irez pas faire une pareille imprudence ?
    — Qu’est-ce que cela vous fait que j’aille à la grille de Bougival ? réplique Bonaparte en regardant Laure dans les yeux. Que peut-il m’arriver ?
    — Ce que cela me fait ? Ce qu’il peut vous arriver ? Mais, général, voilà d’étranges questions. Comment ne voyez-vous pas que cette femme est une misérable gagnée peut-être par vos ennemis ? Mais le piège est lui-même trop grossier. N’importe, il peut y avoir péril ! Et vous me demandez après cela ce que peut me faire votre imprudence ?
    — Je disais cela pour plaisanter, reprend Bonaparte en riant ; croyez-vous donc que je sois assez simple, assez bête pour mordre à un pareil appât ? Imaginez-vous que tous les jours je reçois des lettres de ce genre-là, avec des rendez-vous indiqués tantôt ici, tantôt aux Tuileries, tantôt au Luxembourg ; mais la seule réponse que je fasse à ces belles missives, et la seule qu’elles méritent, c’est celle-ci.
    Et, allant de nouveau vers la table, il écrivit quelques mots. « C’était un renvoi au ministre de la Police ».
    — Diable ! s’exclame soudain le Premier consul en entendant sonner la pendule, voilà six heures ! Adieu Madame Junot.
    Il ramasse vivement ses papiers répandus sur le lit, pince le pied de Laure à travers les couvertures, sourit à la jeune femme « avec cette grâce qui éclairait sa figure » et s’en va « en chantant d’une voix fausse et criarde » son air préféré :
    Non, non, z’il est impossible
D’avoir un plus aimable enfant.
Un plus aimable ? Ah ! si vraiment...
    « Chose particulière, conclut Laure Junot, c’est que, à dater du premier jour où il a chanté cet air, il a dit z’il est impossible. Junot, qui le lui a entendu dire à Toulon, n’a jamais pu parvenir à lui en faire perdre l’habitude. Il ne chantait au reste cet air que lorsqu’il était de fort bonne humeur. »
    Même bonne humeur le lendemain matin : Laure est encore réveillée par le Premier consul. Comme la veille, il entre dans la chambre, un paquet de lettres et de journaux à la main. Il ne s’excuse même pas de l’avoir éveillée trois heures trop tôt et lui demande :
    — Pourquoi dormez-vous la fenêtre ouverte ? C’est mortel pour les femmes qui ont, comme vous, des dents comme des perles. Il ne faut pas vous exposer à perdre vos dents. Elles sont comme celles de votre mère, de vraies petites perles.
    « Et il se mit à lire les journaux et à faire des marques à plusieurs lignes avec son ongle. Il levait quelquefois les épaules et marmottait un ou deux mots que je n’entendais pas... »
    Le jeu – dangereux – cessa, lorsqu’un matin Bonaparte trouva Junot couché près de sa femme et que Laure put faire sentir au Premier consul combien ses visites matinales pouvaient la compromettre...
    Revenons au souverain. Ne l’est-il pas déjà ?

    Le 6 mai 1802, Chabot monte à la tribune !
    — Le Sénat, déclare-t-il, est invité à donner aux consuls un témoignage de la reconnaissance nationale.
    Il s’agit de donner un caractère plus définitif au régime né en Brumaire an VIII. Seul Carnot refuse :
    — Je sais que je signe ma proscription...
    Et l’on fait cet épigramme :
    Vous dites oui : moi je dis non :
Mon avis diffère des vôtres.
Je signe ma proscription : Parbleu !
J’en ai signé tant d’autres !
    On n’en décide pas moins de proroger le pouvoir du Premier consul pour dix années. Bonaparte espérait davantage, aussi remercie-t-il la députation du Tribunat par quelques phrases banales, mais au Conseil, il lance cet avertissement :
    — On a tout détruit, il s’agit de recréer. Il y a un gouvernement des pouvoirs, mais tout le reste de la Nation, qu’est-ce ? Des grains de sable... Nous sommes épars, sans système, sans réunion, sans contact. Tant que j’y serai, je réponds bien de la République, mais il faut prévoir l’avenir. Croyez-vous que la République soit définitivement acquise ? Vous vous tromperiez fort. Nous sommes maîtres de la faire, mais nous ne l’avons pas, et nous ne l’aurons pas, si nous ne jetons pas sur le sol de France quelques masses de granit.
    Le Sénat semble ne pas avoir compris -— à moins que les sénateurs aient eu peur de se voir écraser par « la masse de granit ». Aussi se contentent-ils de ratifier, le 8 mai 1802, le vote du

Weitere Kostenlose Bücher