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Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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dès l’aube du 18, les salves se succèdent et, bientôt, précédés d’un régiment de cuirassiers, les sénateurs arrivent au château. Napoléon, en uniforme de colonel de la Garde, les attend dans le Grand Salon. Entouré par les conseillers d’État et les généraux, il est calme et semble parfaitement maître de lui, alors que pour la première fois il va s’entendre appeler « Sire », et « Votre Majesté ».
    Le moment solennel est venu. Cambacérès s’avance et, après avoir harangué le nouveau souverain, achève son discours par ces mots :
    — Pour la gloire comme pour le bonheur de la République, le Sénat proclame à l’instant même Napoléon, Empereur des Français.
    — J’accepte, répond l’Empereur, j’accepte le titre que vous croyez utile à la gloire de la Nation. Je soumets à la sanction du peuple la loi d’hérédité. J’espère que la France ne se repentira jamais des honneurs dont elle environnera ma famille. Dans tous les cas, mon esprit ne serait plus avec ma postérité, le jour où elle cesserait de mériter l’amour et la confiance de la grande nation.
    Un grand cri de : Vive l’Empereur ! ponctue ces mots et fait vibrer les vitres du salon.
    Le « prince impérial » Joseph est ensuite nommé grand électeur, et le « prince impérial » Louis, connétable. Il ne peut évidemment point être question de Lucien qui, réfugié à Rome, refuse toujours de divorcer, ni de Jérôme, non seulement quasi déserteur, mais qui, aux États-Unis, a osé se marier sans en avoir sollicité l’autorisation.
    Cambacérès et Lebrun, qui cessent d’être consuls, deviennent, l’un archichancelier de l’Empire et l’autre, architrésorier. Puis les sénateurs se rendent chez Joséphine qu’il se « félicitent de saluer les premiers » du titre de « Majesté Impériale ».
    Avant de passer à table, Duroc annonce à la cour que, désormais, on appelera Monseigneur les deux anciens consuls et les hauts dignitaires. Les ministres auront droit au titre d’Excellence et les seize nouveaux maréchaux à celui de Monsieur le Maréchal.
    Ostensiblement, l’Empereur, en arrivant au salon, prend un certain plaisir à appeler ses belles-soeurs : princesse Joseph et princesse Louis. Si Murat, par crainte de son impérial beau-frère, demeure apparemment calme, il n’en est pas de même de sa femme. Caroline éprouve en effet un violent désespoir. « Pendant le dîner, elle fut si peu maîtresse d’elle-même, nous rapporte Mme de Rémusat, lorsqu’elle entendit l’Empereur nommer à plusieurs reprises la princesse Louis, qu’elle ne put retenir ses pleurs. Elle buvait à coups redoublés de grands verres d’eau, pour tâcher de se remettre et paraître faire quelque chose : mais les larmes la gagnaient toujours. Chacun en était embarrassé, et son frère souriait assez malignement. Pour moi, j’éprouvais la plus grande surprise, et, en même temps, je dirais presque une sorte de dégoût, de voir cette jeune et jolie fille contractée par les émotions d’une si sèche passion. Mme Murat avait alors vingt-deux à vingt-trois ans ; son visage d’une blancheur éblouissante, ses beaux cheveux blonds, la couronne de fleurs dont ils étaient entourés, la robe couleur de rose qui la parait, tout cela donnait à sa personne quelque chose de jeune, presque d’enfantin, qui contrastait désagréablement avec le sentiment fait pour un tout autre âge, dont on voyait qu’elle était atteinte. On ne pouvait avoir aucune pitié de ses pleurs, et je crois qu’ils affectaient tout le monde, ainsi que moi, fort désagréablement. Mme Bacciochi, plus âgée, plus maîtresse d’elle-même, ne pleurait point ; mais elle se montrait brusque, tranchante, et traitait chacun de nous avec une hauteur marquée.
    Le lendemain, dans le salon de l’Impératrice, Mme Murat fait à l’Empereur une scène épouvantable. Dans la pièce voisine, officiers de service, chambellans et dames d’honneur entendent ses cris, ses larmes et même ses sanglots :
    — Pourquoi veut-on me condamner avec mes soeurs à l’obscurité et au mépris, tandis que l’on couvre des étrangères d’honneurs et de dignités !
    — Je suis le maître, s’exclame l’Empereur, de répartir les dignités à ma volonté.
    Et comme les glapissements de Caroline redoublent, Napoléon fait remarquer :
    — En vérité, à voir vos prétentions, mesdames, on croirait que nous tenons la couronne des mains du feu roi notre

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