Bonaparte
collège d’Autun – aujourd’hui lycée Bonaparte — où ils entreront grâce à la protection de l’évêque de Marbeuf, frère du gouverneur de la Corse. De là, Napoleone se rendra à l’école militaire qui lui sera désignée.
Le départ est fixé au 15 décembre. La veille, Napoleone et son frère sont conduits par leur mère chez les Lazaristes d’Ajaccio. Un père lazariste, ami de la famille, bénit les deux enfants, nouveaux « élèves du roi », et le lendemain une véritable petite colonie quitte Ajaccio. Outre les deux boursiers, Charles emmène son jeune beau-frère, Giuseppe Fesch – le futur cardinal – qui a pu obtenir une place au séminaire d’Aix, et le cousin Varèse nommé sous-diacre à la cathédrale d’Autun. « Nous couchâmes, le premier jour, à Bastia dans une mauvaise auberge, racontera l’Empereur. Il vint un homme âgé qui arrangea des matelas par terre ; il n’y en avait pas assez pour nous tous. Le lendemain, nous allâmes au port pour prendre le bateau »... De ce bateau, il verra bientôt se profiler à l’horizon la silhouette de l’île d’Elbe où manquera un jour s’achever la course du météore...
Les voyageurs débarquent à La Spezia, ou à Livourne, puis de là gagnent la France par Gênes.
Le jour de Noël, le petit groupe atteint Marseille et se dirige ensuite vers Lyon où il prend la route du Beaujolais. Villefranche fit la conquête de Charles-Marie :
— Voilà quel sot amour-propre nous avons de notre pays ; nous parlons avec orgueil de la grande-rue d’Ajaccio, et dans cette ville nous voyons une rue aussi large et aussi belle.
Le 1 er janvier, Charles laisse ses deux fils et l’abbé Varèse à Autun, puis se rend à Paris.
Autant la gentillesse de Joseph séduit ses maîtres et ses nouveaux camarades, autant la mise négligée et la rudesse de « Buonaparte-cadet » les surprend. Son physique, son teint jaune, son accent les déroutent. On le tourne en ridicule, mais l’enfant ne tarde pas à se faire respecter. À l’un de ses camarades qui se moque des combattants corses, il lance :
— Si les Français avaient été quatre contre un, ils n’auraient jamais eu la Corse, mais ils étaient dix contre un.
Au père Chardon, son professeur, qui lui demande :
— Comment se fait-il que vous ayez été battus ? Vous aviez Paoli qui passait pour un bon général...
Il répond violemment :
— Oui, Monsieur, il l’était, et je voudrais lui ressembler !
Le mot « dépaysé » est faible pour peindre le désarroi du jeune Nabulio. Tout est si différent de son île ! Le climat, la nourriture, la façon de vivre, et surtout la langue. En arrivant à Autun, il ne parle pour ainsi dire pas le français. Mais son professeur le précisera, « il avait beaucoup de dispositions, comprenait et apprenait facilement ». Nabulio pense cependant toujours en « idiome corse » et son français, dans la conversation, en dépit des leçons du père Chardon, demeure encore fort médiocre.
Pendant ce temps, à Versailles et à Paris, Charles, avec une habileté consommée, intrigue pour « Buonaparte-cadet ». On veut faire plaisir à la noblesse corse ralliée à la France, et, bientôt, l’adroit solliciteur reçoit cette lettre en date du 28 mars 1779, signée par le prince de Montbarrey, ministre de la Guerre : « L’intendant de Corse, monsieur, a dû vous faire connaître que le roi a bien voulu agréer Napoleone de Buonaparte, votre fils, pour une place d’élève dans ses écoles militaires. S.M. vient d’arrêter qu’il devait être admis dans celle de Brienne. Il est nécessaire que vous l’y conduisiez ou fassiez conduire dès à présent, afin qu’il puisse, tout de suite, être appliqué aux études de cette école.
« Je dois, au surplus, vous prévenir :
« 1° qu’il est indispensable qu’il y arrive muni du trousseau dont le détail est contenu dans le mémoire ci-joint ; {4}
« 2° qu’il n’ait aucun vice de conformation ni maladie incurable, le Supérieur ayant des ordres de le faire visiter à son arrivée et de ne pas le recevoir s’il est mal sain ou mal conformé ;
« 3° qu’il sache lire et écrire, devant subir un examen le jour qu’il sera présenté, et n’être admis qu’au remplacement de l’année prochaine s’il ne se trouve pas assez instruit sur ces deux points ».
L’école de Tiron à laquelle on avait d’abord pensé est donc abandonnée au profit de Brienne, petite ville champenoise
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