Bonaparte
puissante silhouette se reflète toujours dans les eaux du lac, il peut annoncer – le 1 er juin – au Directoire :
« Voilà donc les Autrichiens entièrement expulsés de l’Italie. Nos avant-postes sont sur les montagnes de l’Allemagne. Tout est aujourd’hui parfaitement tranquille... Deux millions en or sont en route, en poste, pour se rendre à Paris... Le ministre des Finances peut tirer des lettres de change pour quatre ou cinq millions. » Voilà qui va bien faire l’affaire du Directoire désargenté...
Après avoir vu à Vérone la maison que « le prétendu roi de France » – a dû quitter précipitamment, Bonaparte repart pour Milan avec la certitude que Joséphine s’y trouve déjà – et ce sera pour lui une nouvelle déception !...
Il revient à Brescia où l’attend Belmonte-Pignatelli, envoyé du roi de Naples. Le roi « Nasone » désire en effet quitter la coalition et signer une suspension d’armes avec la France. Assurément, on la lui fera payer bien cher... En descendant de cheval, Napoléon trouve Miot, comte de Melito, homme d’État et écrivain, venu pour préparer l’entrevue avec le ministre napolitain. Le diplomate – il le racontera – fut étrangement surpris, lors de sa réception par le vainqueur de l’Italie : « Rien n’était plus éloigné de l’idée que mon imagination s’en était formée. J’aperçus, au milieu d’un état-major nombreux, un homme au-dessous de la taille ordinaire, d’une maigreur extrême. Ses cheveux poudrés coupés d’une manière particulière et carrément au-dessous des oreilles, tombaient sur ses épaules. Il était vêtu d’un habit droit boutonné jusqu’en haut, orné d’une petite broderie d’or très étroite et portait à son chapeau une plume tricolore. Au premier abord, la figuré ne me parut pas belle. Mais des traits prononcés, un oeil vif et inquisiteur, un geste animé et brusque, décelaient une âme ardente, et un front large et soucieux, un penseur profond. Il me fit asseoir près de lui et nous parlâmes de l’Italie. Son parler était bref et, en ce temps, très incorrect. »
Dès le début de la conversation, Napoléon évoque Mantoue puissamment occupée par les Autrichiens.
— Rien ne sera fini, tant qu’on n’aura pas Mantoue... Alors seulement je pourrai me dire maître de l’Italie. Un siège aussi difficile ne pourra être que très long et, pour le moment, il faut me contenter de resserrer la place. L’Autriche va mettre du temps pour rassembler une armée de secours. Nous avons par conséquent un mois devant nous pour nous avancer vers le centre de l’Italie et nous en rendre maîtres.
Enhardi, Miot annonce alors au général en chef la présence à Brescia, du prince napolitain Belmonte-Pignatelli.
— Je ne vois aucun inconvénient à traiter d’un armistice, riposte Bonaparte.
« Il se servit, nous rapporte Miot de Melito, du mot amnistie et fit dans toute la conversation presque toujours cette faute. » Il la commettra d’ailleurs durant toute sa vie...
— Ce qu’il faut stipuler pour le moment, reprend Bonaparte, c’est que Naples retirera sur-le-champ les troupes qu’elle a dans l’armée autrichienne. L’infanterie ne vaut rien. Mais savez-vous qu’ils ont quatre régiments de cavaliers excellents qui m’ont donné beaucoup de mal et dont j’ai à coeur de me débarrasser le plus tôt possible. Faites-moi venir M. de Belmonte. Le traité sera bientôt fait.
Deux heures plus tard, l’accord est, en effet, signé.
Au tour du Saint-Siège, à présent. Le 22 juin, le vainqueur reçoit à Bologne les commissaires de Pie VI. Bonaparte, très exigeant au début des entretiens, finira par se radoucir. Les conditions imposées au souverain temporel de Rome n’en sont pas moins fort dures : « Les ports des États du Pape seront fermés aux bâtiments des puissances en guerre avec la République, et ouverts aux bâtiments français – L’armée française continuera de rester en possession des légations de Bologne, Ferrare, et évacuera celle de Faenza – Le Pape livrera à la République française cent tableaux, vases ou statues... Notamment le buste en bronze de Junius Brutus et celui en marbre de Marcus Brutus, tous les deux placés au Capitole et cinq cents manuscrits. Le Pape payera à la République française vingt et un millions de livres, monnaie de France, dont quinze millions et cinq cent mille en espèces ou lingots... et les cinq millions cinq cent
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