Bonaparte
camp de Bonaparte l’explorent. Des gués sont trouvés et la division de Bernadotte passe la première, sur l’autre rive, fouettée par la voix chaude de son chef :
— Soldats de Sambre et Meuse, l’armée d’Italie vous contemple !
Grâce à la cavalerie de Murat qui prend les uhlans autrichiens à revers, l’archiduc Charles est obligé, de nouveau, de se replier et repasse l’Isonzo. La route de Vienne est ouverte ! Le général en chef pourra l’écrire au Directoire : « Jusqu’à cette heure, le prince Charles a plus mal manoeuvré que Wurmser et Beaulieu... »
Tout en donnant l’ordre à ses troupes de poursuivre leur marche victorieuse, il adresse à l’Archiduc ces mots, dignes de la légende qu’il tisse avec tant de science :
« Monsieur le général en chef, les braves militaires font la guerre en désirant la paix... Avons-nous assez tué de monde et commis assez de maux à la triste humanité ?... Je me trouverais plus fier de la couronne civique que je m’estimerais avoir méritée que de la triste gloire qui peut revenir des succès militaires. »
C’est la sagesse. Et peut-être y pensera-t-il lorsqu’il s’exclamera un jour :
— Dans les temps héroïques, le général c’était l’homme le plus fort ; dans les temps civilisés, le général, c’est le plus intelligent des braves !
L’armée de Bonaparte se trouve en effet affaiblie par les garnisons laissées derrière elle en Italie. Ainsi qu’il l’écrit à Clarke : « On n’a pas prétendu qu’avec cinquante mille hommes, je garderais l’Italie, et que je culbuterais la maison d’Autriche !... »
Il n’en continue pas moins à progresser, ayant battu – et bien battu – les deux armées de l’empereur d’Autriche. Le 6 avril, il sera à trente lieues de la capitale autrichienne. À Vienne, « on fait circuler par ordre de la cour d’énormes pancartes chez tous les grands ministres, les grandes maîtresses, dans toutes les antichambres de la famille impériale, portant ordre d’emballer au plus vite et de se tenir prêts à partir ». Comme l’a dit Albert Sorel, « la peur l’emporte ». Aussi Thugut décide-t-il de traiter. Et le 7 avril – à minuit – à Judenburg, un armistice de cinq jours est signé.
Le 13 avril, à dix-sept heures, se déroule à Leoben la première entrevue entre Bonaparte et les généraux autrichiens Merveld et Beauregard. Les conférences se tiendront dans un pavillon « neutralisé » situé dans un jardin du faubourg de Munchthal, – le jardin Dietel – environné de bivouacs français. Un monument représentant un Amour trompettant perpétue encore le souvenir de la rencontre – mais il a été élevé à la seule gloire du vaincu...
Cinq jours plus tard, les célèbres « préliminaires » de Leoben sont prêts à être signés. On relit pour la dernière fois le texte. Mais Bonaparte fronce les sourcils : les commissaires autrichiens ont placé en tête du traité que « l’Empereur reconnaissait la République française... »
— Effacer, s’exclame Napoléon, l’existence de la République est aussi visible que le soleil ; un pareil article ne pourrait convenir qu’à des aveugles ; nous sommes maîtres chez nous, nous voulons y établir le gouvernement qu’il nous plaît, sans que personne y trouve à redire.
« Les idées de l’Empereur et celles du Directoire différaient essentiellement, expliquera Clarke au gouvernement. Il fallait donc trancher le noeud gordien. Un nouvel Alexandre l’a fait avec l’intention de servir efficacement la République. »
Dès le lendemain des échanges de signatures des préliminaires de paix entre la République française et l’Empereur et roi, Bonaparte écrit au Directoire : « Je vous demande du repos, ayant acquis plus de gloire qu’il n’en faut pour être heureux... une carrière civile sera, comme ma carrière militaire, une et simple. »
Napoléon a fait un nouveau pas. C’est bien là une menace à peine voilée... Autrement dit : ou vous me laissez maître de régir nos conquêtes et de traiter avec l’ennemi, où je viens prendre votre place.
Le Directoire s’incline, mais fait la grimace – d’autant plus que les Préliminaires signés avec précipitation, laissent « une infinité d’objets indéterminés ».
Comment pouvait-il en être autrement ? L’Italie se soulevait, Joubert se trouvait, au Tyrol, en fâcheuse posture et le Pape mettait tout en oeuvre pour prouver que « la
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