Bonaparte
vieille machine » existait encore. Quant aux Autrichiens, ils ne voyaient qu’une chose : gagner du temps et éloigner les baïonnettes françaises de la route de Vienne. Cependant, en dépit de cette hâte, une conférence avait été prévue – elle aura lieu quelques mois plus tard dans le Frioul – et l’Autriche avait déjà admis le principe de céder la rive gauche du Rhin et de reconnaître ainsi les frontières de la terrible république. L’Empereur, non sans soupirer, acceptait de renoncer à la Lombardie, mais demandait des compensations.
Une compensation pour avoir été battu ? On lui promit de mettre la question sur le tapis lors de la signature du traité de paix.
Un mois auparavant, encore à Palmanova, Napoléon avait reçu le Vénitien Pezzaro, chef du parti autrichien qui dirigeait les affaires de la République de Venise. La ville venait alors d’ouvrir ses portes et les drapeaux français flottaient à Tarvis, au-delà de l’Isonzo.
— Ai-je tenu parole ? avait dit Bonaparte à Pezzaro ; le territoire vénitien est couvert de mes troupes ; les Allemands fuient devant moi ; je serai sous peu de jours en Allemagne. Que veut votre république ? Je lui ai offert l’alliance de la France, l’accepte-t-elle ?
— Non, répondit Pezzaro. Venise se réjouit de vos triomphes, elle sait bien ne pouvoir exister que par la France ; mais, fidèle à son antique et sage politique, elle veut rester neutre. D’ailleurs, à quoi pourrions-nous être bons ?... Avec des armées si immenses, avec des populations entières sous les armes, quel cas pour-riez-vous faire de nos secours ?
— Mais, continuerez-vous vos armements ?
— Il le faut bien... Brescia et Bergame ont levé l’étendard de la rébellion. Nos fidèles sujets sont menacés à Crema, à Chiari, à Vérone ; Venise même est agitée.
— Eh bien, s’était exclamé Napoléon, tout cela n’est-il pas une raison de plus pour accepter les propositions que je vous ai faites ? Elles termineront tout. Songez-y : le moment est plus décisif pour votre république que vous ne pensez ; je laisse en Italie plus de forces qu’il n’en faudrait pour vous soumettre, je quitte l’Italie pour m’enfoncer en Allemagne ; s’il y avait sur mes derrières des troubles par votre faute, si mes soldats étaient insultés par l’impulsion que vous donnez aux vôtres contre les Jacobins, ce qui n’eût pas été un crime quand j’étais en Italie, en serait un irrémédiable sitôt que je serais en Allemagne ; votre république cesserait d’exister, vous auriez prononcé sa sentence. Si j’ai à me plaindre de vous, vainqueur ou vaincu, je ferai la paix à vos dépens !
Pezzaro « s’étendit en voeux, en justifications, protestations », et on s’était séparé...
Le doge, s’imaginant que Bonaparte, tout occupé par sa marche sur Vienne ne pouvait s’inquiéter de Venise, n’avait pas tardé à jeter le masque et, le 9 avril, à Judenburg, Bonaparte apprit que la ville s’était révoltée contre les Français. Il avait aussitôt donné l’ordre à Junot de redescendre vers Venise avec cette lettre adressée à la vieille République :
« Croyez-vous que, dans un moment où je suis au coeur de l’Allemagne, je sois impuissant pour vous faire respecter le premier peuple de l’Univers ? Croyez-vous que les légions d’Italie souffriront le massacre que vous excitez ! Le Sénat de Venise a répondu par la perfidie la plus noire aux procédés généreux que nous avons toujours eus avec lui. Si vous ne prenez pas sur-le-champ les moyens de dissiper les rassemblements ; si vous ne faites pas arrêter et livrer en mes mains les auteurs des assassinats qui viennent de se commettre, la guerre est déclarée »
Les choses depuis une semaine ne se sont guère arrangées et à Vérone, ville de l’État de Venise, la veille de la signature des préliminaires, le jour même de Pâques, le peuple se soulève à la suite des maladresses du général Belliard. Ces « Pâques Véronaises » vont se prolonger par le massacre des blessés français dans les hôpitaux, tandis qu’à Venise, le fort de San Andréa tire sur le navire français Libérateur d’Italie, qui était parvenu à pénétrer dans la lagune. La plus grande partie de l’équipage est massacrée. Cependant Bonaparte ne donne par l’ordre de brûler Vérone, mais de reprendre la ville tombée aux mains d’Andréa Erizzo.
— Qui payera l’écot ? faisait dire
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