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Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Titel: Cadix, Ou La Diagonale Du Fou Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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pas inaperçu de
Lolita Palma ; mais elle ne veut pas être indiscrète, ni manifester un
trop grand intérêt. Virués a rejoint la conversation générale. De son canapé,
Lolita voit Sánchez Guinea saluer l’ambassadeur et divers invités, puis,
l’apercevant, traverser le salon dans sa direction. Son fils Miguel et le
corsaire le suivent à quelques pas. Mue par une impulsion qu’elle-même ne
comprend pas tout de suite, elle se lève et va à la rencontre du vieux
négociant. Elle n’a pas envie de recevoir son salut en même temps que les
autres, se dit-elle, près de Virués et de son étrange sourire.
    — Tu es ravissante, Lolita. Si ton père te voyait…
    Échange d’amabilités affectueuses. Miguel Sánchez Guinea,
correct et avenant bien qu’un peu petit, ressemblant beaucoup à son père, se
joint à eux. Le capitaine Lobo est resté en retrait, observant la scène, et
quand Lolita le regarde enfin, il la salue en inclinant brièvement la tête,
sans bouger de sa place ni desserrer les lèvres. Elle prend don Emilio par le
bras, et l’emmène à l’écart, baissant la voix.
    — Qu’est-ce qui vous a pris de l’amener ici ?
    Le vieux commerçant se justifie. Pepe Lobo travaille pour lui,
et aussi pour elle. C’est une excellente occasion de le présenter à diverses
personnes, anglaises et espagnoles, dont la connaissance peut lui être utile
pour le travail qu’on lui a confié. Ce n’est jamais mauvais de mettre un peu
d’huile dans les gonds de certaines portes pour qu’elles ne grincent pas. C’est
ça, Cadix.
    — Pour l’amour de Dieu, don Emilio. C’est un corsaire.
    — Bien sûr que oui. Et tu as investi dans son
entreprise autant d’argent que moi. Ton intérêt dans l’affaire est égal au
mien.
    — Mais cette fête… Rendez-vous compte. Chaque chose à
sa place. Et à son heure.
    En disant cela, elle promène son regard autour d’elle, mal à
l’aise. Sánchez Guinea, lui, la regarde.
    — Tu veux parler du qu’en-dira-t-on ?
    — Évidemment.
    — Je ne comprends pas cette réticence. C’est un marin
comme les autres. Prêt, c’est vrai, à risquer plus que la plupart.
    — Pour de l’argent.
    — Comme toi-même, ma fille. Et comme moi. Ce mobile a
dans cette ville une tradition aussi honorable que n’importe quel autre.
    Lolita Palma observe par-delà les épaules de son
interlocuteur. À quelques pas, près de Miguel Sánchez Guinea, le capitaine
corsaire étudie le plateau de boissons que lui présente un serviteur en livrée.
Au bout d’un instant, après ce qui semble être une brève réflexion, il fait non
de la tête. Quand il lève les yeux, son regard croise celui de la femme, qui
détourne le sien.
    — Vous aimez bien cet homme. Vous me l’avez dit.
    — C’est vrai. Et Miguel aussi l’aime bien. Il est
capable et sérieux. Son travail exige la confiance. C’est comme ça que tu
devrais voir les choses.
    — Eh bien, moi, il ne me plaît pas du tout.
    Le commerçant lui adresse un regard interrogateur.
    — Vraiment ?… Pas du tout ?
    — Comme je vous le dis.
    — Pourtant tu t’es associée à nous.
    — C’est différent. Je me suis associée à vous, comme
d’autres fois.

— Donc tu as confiance en moi, comme les autres fois.
Tu n’as jamais eu à t’en repentir. – Sánchez Guinea lui a pris une main
qu’il tapote affectueusement. – Je ne te demande pas non plus de l’inviter
chez toi à prendre une tasse de chocolat.
    Sans brusquerie, Lolita retire sa main.
    — Vous allez trop loin, don Emilio.
    — Non, ma fille. Je te dis cela par amitié. C’est
pourquoi je ne comprends pas ta réaction.
    Ils changent de sujet, car Miguel Sánchez Guinea vient se
mêler à la conversation. Le corsaire reste à l’écart, et, de temps en temps,
Lolita Palma le suit des yeux pendant qu’il circule lentement dans le salon,
les mains dans le dos, croisées sur les pans de sa veste, tranquille et
légèrement absent. Un peu ailleurs, peut-être ; encore que, un moment plus
tard, quand elle le regarde de nouveau, Lolita décide qu’elle s’est
manifestement trompée, car elle le voit en train de parler avec le plus grand
naturel à des gens qu’il semblait ne connaître ni d’Ève ni d’Adam.
    — Votre capitaine Lobo se lie facilement, fait-elle
remarquer à Miguel Sánchez Guinea.
    Celui-ci sourit en allumant un cigare.
    — C’est pour ça qu’il est venu. Il n’est pas du genre à
se perdre dans un

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