Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
des cérémonies de type ophidien : comment ne pas imaginer, à travers les alignements, de lents déroulements
serpentiformes de cohortes humaines chantant les louanges de la Divinité ?
Il faut dire qu’une telle évocation relève davantage de la superproduction
cinématographique que de la constatation scientifique la plus sobre. Certes, il
est possible que les alignements de menhirs aient pu servir à des sortes de
processions ophidiennes : le terrain s’y prête merveilleusement. Mais
ce ne sont que des projections fantasmatiques qui ne s’appuient sur aucun
indice réel. Et pourtant, on sait que dans de nombreuses traditions existent
des « danses du serpent », et qu’elles ont leur importance dans le
cadre de certaines civilisations que nous classons comme « naturistes »
faute de trouver une dénomination plus appropriée. De toute façon, les grands
ensembles de Carnac sont en plein air, et ils ne peuvent être considérés
autrement que dans le cadre des cultes naturistes, comme le sera plus tard le nemeton gaulois, au milieu des forêts. L’usage actuel – qui
nous vient de la Méditerranée antique – des temples bâtis, endroits secrets préservés
et mis en quelque sorte à l’écart du monde, nous fait oublier l’époque où l’être
humain devait se confronter directement avec les puissances invisibles qui l’environnaient
et qu’il imaginait parfois comme rassurantes, parfois comme terrifiantes, mais
toujours empruntant les voix profondes de la nature pour exprimer leurs
volontés et tracer le plan divin sans lequel aucune société ne peut trouver de
justification.
Cela dit, près des alignements encore existants de Kermario,
on peut découvrir, un peu au sud, à côté de la « Petite Métairie », trois
menhirs qui n’appartiennent pas à l’ensemble de Kermario et qui sont les seuls
vestiges d’un antique alignement orienté nord-sud. Cela suffit à prouver que ce
que nous voyons actuellement sur le territoire de Carnac ne constitue qu’une
infime partie de ce qui devait exister aux temps préhistoriques. Et il semble
bien que le dolmen visible de Kermario, et contourné par la route départementale
– qui l’a respecté – appartienne à cet autre ensemble. Il s’agit d’ailleurs d’une
variété particulière de dolmen dite « dolmen à couloir », qui
autrefois, comme tous les monuments de ce genre, était recouvert de terre ou de
cailloux formant un tertre artificiel. On pense que ce type de dolmen, qu’on
rencontre en plusieurs exemplaires sur le littoral de la Bretagne armoricaine, date
d’une époque assez reculée, peut-être de six mille à cinq mille ans avant notre
ère : cela constituerait donc les toutes premières ébauches des
constructions mégalithiques, puisque la pleine période du mégalithisme
proprement dit se situe entre le quatrième et le troisième millénaire. Il ne
faut certes pas prendre les datations – fussent-elles dues à des procédés
scientifiques comme la méthode du carbone 14 – comme
des réalités définitives ». Les marges sont variables
et parfois très imprécises, mais il faut reconnaître que ce dolmen qui fait la
jonction entre les alignements de Kermario et l’alignement aujourd’hui disparu
qui se situait au sud, est nettement antérieur à la construction des
alignements eux-mêmes. Et là, on peut affirmer que ce dolmen est un monument
funéraire, même s’il a pu, à des époques ultérieures, servir de sanctuaire à
des populations dont les habitudes religieuses n’étaient pas forcément les
mêmes que celles des constructeurs. Il ne faut jamais oublier que de nombreux
temples païens – ainsi que des « basiliques » civiles – sont devenus
des sanctuaires chrétiens et qu’ils ont constitué le schéma primitif de ce
bâtiment qu’on appelle improprement l’église, le terme ecclesia signifiant
seulement « assemblée ».
Cependant, à l’ouest de Kermario, à travers les broussailles
et les bois de pins, on remarque encore des blocs de pierre, très petits. En
fait, les alignements se poursuivent, même discrètement. Ils ne deviennent
considérables qu’au lieu-dit le Ménec, ce qui signifie simplement « pierreux ».
S’étendant sur 1 165 mètres de longueur sur 100 mètres de largeur, ils comportent
actuellement 1 099 menhirs disposés sur onze files. Les plus petits se
trouvent à l’est, les plus grands (environ 4 mètres) à l’ouest : en fait, l’orientation
suit
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