Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
cadre
naturel de l’ouvrage. On a retrouvé, dans les monuments mégalithiques, de
nombreuses perles de collier, et celui-ci a sans doute un élément d’apparat
fort important : c’est un insigne de puissance. Les Celtes, héritiers de
cette civilisation mégalithique, en développeront largement l’usage et le sens
symbolique, surtout dans leurs célèbres torques. Un monument comme Gavrinis
est tout entier consacré à « la puissance et la gloire ». Une telle
richesse d’ornementation doit avoir sa justification. Certes, le caractère funéraire
ne laisse aucun doute, mais il est permis de se demander si des rituels, plus
ou moins secrets et réservés à une élite, ne se déroulaient pas à l’intérieur, à
l’occasion de certaines fêtes. L’aspect culturel est inséparable de l’aspect
funéraire.
Un autre thème prête au commentaire, celui des haches :
la hache non emmanchée, dans toute sa pureté originelle, est un
symbole de force devenu image de la divinité tutélaire. Il voisine souvent avec
des signes serpentiformes. Or, dans toutes les traditions, les serpents, comme
les dragons avec lesquels ils se confondent souvent, ont été les gardiens des
trésors de l’Autre Monde.
Car Gavrinis, comme la plupart des tertres de ce genre, c’est
vraiment l’Autre Monde, le domaine de l’irrationnel et du fantastique. La
pierre n’est plus une pierre : elle est devenue, par l’abandon total de la
matière, le témoignage le plus éblouissant du triomphe de l’esprit créateur sur
la masse inerte, le triomphe de la vie sur la mort. Et cela défie les siècles. Dans
l’ombre des tertres, l’image de la déesse inconnue contemple encore les
quelques fidèles qui se risquent dans ces sanctuaires pour tenter d’apercevoir
une infime portion de l’infini. Malheureusement, de cette vision
transcendantale de l’univers due à des peuples dont l’histoire a oublié le nom,
nous ne possédons plus que les négatifs, gravés en creux dans la pierre d’un
monument enfoui depuis des millénaires en un îlot battu par les vents. Qui
découvrira le visage réel de cette divinité ? Qui pourra jamais tracer le
contour authentique de cet immense sanctuaire à la mesure de l’infini que
constituent les grands ensembles de Carnac et de la région avoisinante ?
III
LES
CHAMPS MÉGALITHIQUES
La civilisation mégalithique s’est répandue, à la fin de l’époque
néolithique, sur la plus grande partie du continent européen. C’est dire qu’on
trouve des « dolmens » et des « menhirs » dans bien d’autres
endroits que la Bretagne. Cependant, on est bien obligé de reconnaître que la
densité des monuments encore existants est beaucoup plus grande au voisinage de
l’Atlantique, ce qui laisserait supposer que le mégalithisme est avant tout
extrême-occidental. C’est en effet en France, en Espagne, au Portugal, en
Grande-Bretagne, en Irlande et en Scandinavie que se trouvent la presque totalité
des vestiges. C’est une observation qui est facile à faire : plus on va
vers l’intérieur du continent, plus on va vers la Méditerranée, moins on
découvrira de monuments mégalithiques. En outre, les plus fortes densités se
situent sur le littoral maritime, ou à proximité de celui-ci, et dans les
régions qui avoisinent les grands fleuves et les grandes rivières. Les constructeurs
de mégalithes étaient-ils des marins ? On serait tenté de le croire. Mais
alors se pose la question de savoir d’où ils venaient, de l’est ou de l’ouest ?
La période mégalithique correspond à une mutation dans les
usages, et probablement dans les spéculations intellectuelles des peuples. Le
second Âge de la Pierre, c’est-à-dire l’Âge de la Pierre polie, ou Néolithique,
âge auquel appartient nécessairement la civilisation mégalithique, ne doit pas
être considéré comme un tout immuable et « monolithique ». D’abord, en
s’étendant sur plusieurs millénaires, il a toutes les chances d’apparaître
comme composite si l’on se livre à une analyse assez poussée des vestiges à la
disposition des chercheurs. Ensuite, il faut mettre en relief une réalité
fondamentale : le Néolithique n’est pas apparu partout en même temps, et
il n’a pas disparu d’un seul coup. Cela complique évidemment l’interprétation
qu’on veut donner de certains phénomènes. Et, à la fin du Néolithique, alors
que l’usage de la pierre demeure prépondérant, les métaux
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