Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
établissement de Templiers à Gavrinis – ce qui est historiquement faux
– et que le dolmen leur servait à mettre à l’abri leurs captifs. Il faut dire
qu’en Bretagne, les « moines rouges », c’est-à-dire les Templiers, ont
eu fort mauvaise réputation et que la tradition populaire leur attribue, même
après leur disparition, les méfaits les plus sordides et les plus inavouables. Cela
dit, les supports de la chambre sont tous gravés en creux, ainsi que la pierre
qui se trouve à l’entrée de cette chambre et qui forme une sorte de seuil. Quant
à ceux du couloir, vingt-trois sur vingt-neuf sont entièrement recouverts de
gravures, et une des pierres de la maçonnerie interposée entre un support et la
table de couverture porte elle aussi des signes gravés en creux. L’ensemble, pourvu
que la lumière s’y prête, forme un fantastique labyrinthe où l’esprit, après
avoir admiré la beauté incontestable des gravures, peut s’égarer à imaginer la
signification profonde de ce message surgi du fond des âges obscurs.
Ce qui frappe, c’est d’abord la représentation de cette
déesse des tertres tant de fois rencontrée dans les dolmens du Morbihan. Ici, à
Gavrinis, elle prend un aspect arborescent, à moins qu’il ne s’agisse de
chevelures, ou encore des ondulations de la mer. Comment savoir ? Mais on
reconnaît cependant le schéma initial de l’idole en forme d’écusson. Puis il y
a des haches non emmanchées, des signes serpentiformes, des cercles concentriques
(mais jamais de spirales comme dans le monument analogue de New-Grange, en
Irlande), des arcs, des tiges de plantes stylisées, des arborescences qui
peuvent signifier des fougères, à moins que ce ne soient des colonnes
vertébrales avec des côtes, ou encore des arêtes de poissons. Les
interprétations sont multiples, et toutes aussi valables les unes que les
autres. Il y a même la possibilité de voir, sur la dalle du fond de la chambre,
une sorte de personnage avec une grosse tête et des petits pieds, ce que les
guides plus ou moins officiels prétendent être la déesse néolithique. Cette
interprétation, ou plutôt cette « vision », est plus que douteuse, l’art
mégalithique étant abstrait, géométrique ou schématique, mais, en dehors de
certains éléments précis, jamais anthropomorphique.
En fait, même s’il est périlleux de tenter d’ expliquer ces
énigmatiques gravures, il est possible de les sentir pour ce qu’elles
sont, c’est-à-dire des objets qui s’interposent entre un lointain passé dont
nous ne savons historiquement presque rien et notre civilisation (avec la sensibilité
et la spiritualité qu’elle renferme). Et sans tomber dans un délire d’interprétation
qui ne servirait qu’à les rendre plus lointaines, plus inaccessibles, il est
permis d’y voir autre chose que ce que consentent à voir les archéologues et
préhistoriens officiels dont le rôle principal est de classer et de conserver.
La figuration humaine pure étant absente de ces pétroglyphes,
surtout à Gavrinis, il convient d’y rechercher les éléments que les artistes mégalithiques
ont pu y superposer. Ce sont avant tout des chevelures, marque évidente
de puissance et de noblesse (souvenons-nous de Samson et Dalila avant d’accuser
de tous les maux des jeunes à cheveux longs !). Mais ces chevelures sont aussi
les vagues de la mer, et elles peuvent encore être des flammes, avec
une connotation divine solaire. Ce qu’on appelle l’analogie n’est pas une
invention de notre siècle, et la métaphore n’existe que par la superposition
des images et des idées. Les cheveux, qui sont donc la marque la plus évidente
de l’autorité dans les civilisations dites primitives, peuvent parfaitement
être associées aux flammes, symbole de puissance et de vie, ou encore à la mer,
elle-même symbole de vie et de force parfois incontrôlée. À Gavrinis, la
plupart des gravures se développent à partir de la chevelure, ou bien elles en
provoquent l’évocation, comme elles provoquent les mouvements de la tempête sur
la mer ou les flammes d’un incendie allumé par la foudre et qui dévorent des
forêts entières : n’est-ce pas la divinité solaire, laquelle gît dans les
tertres obscurs pendant sa longue dormition, qui se réveille enfin et embrase
le monde ?
À ce thème de la chevelure, se superpose celui du collier, qui
sert de réplique à la chevelure et la prolonge encore plus avant dans le
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