Ce jour-là
quatre-vingt-dix degrés et il y a des petits paliers à chaque angle. Impossible de savoir ce qui nous attend. Ben Laden, ou n’importe qui à l’étage, a eu tout le temps de s’armer et se préparer. Cet escalier étant le seul accès au premier, il est facile de nous cueillir.
L’obscurité est totale et nous faisons de notre mieux pour rester silencieux. Chaque pas est calculé.
Personne ne parle.
Personne ne crie.
Personne ne court.
Autrefois, on aurait lancé un assaut violent et jeté des grenades aveuglantes ; mais aujourd’hui, on reste aussi silencieux que possible. On a un avantage grâce aux lunettes de vision nocturne. Pas la peine de le perdre en jaillissant dans la pièce avec fracas. Tout est une question de contrôle. Il n’y a aucune raison de courir se faire tuer.
Sur le palier du premier étage, les SEAL devant moi se sont déjà déployés. Le palier ouvre sur un long couloir qui mène à une terrasse sur le côté sud du bâtiment. Il y a quatre portes, deux à droite, proches de l’escalier, et deux plus loin, près de la terrasse. Mes camarades rampent dans le couloir et se massent près des portes avant d’entrer et d’inspecter les pièces en silence.
Un SEAL est posté sur la troisième ou quatrième marche de l’escalier et sécurise le palier entre le premier et le deuxième étage. Un corps est allongé par terre sur le palier. Du sang s’égoutte sur le dallage en marbre.
Le SEAL qui assure la sécurité a vu un homme passer rapidement la tête pour voir le palier. D’après les renseignements, il pouvait y avoir jusqu’à quatre hommes dans cette partie de la résidence. Khalid, le fils de Ben Laden, occupait probablement le premier étage, et Ben Laden le second.
La tête qui est apparue furtivement avait les cheveux courts et les joues glabres. Ce devait être le fils de Ben Laden.
« Khalid, avait murmuré le SEAL. Khalid ? »
Impossible d’échapper au bruit des moteurs d’hélicoptères, aux coups de feu et aux explosions des portes.
Mais tout était redevenu silencieux. À part le bruit de nos pas.
L’homme a entendu son nom.
Ils connaissent mon nom ? a-t-il dû se demander.
La curiosité l’a emporté et il a voulu voir qui l’appelait. Dès que sa tête est apparue, le SEAL lui a tiré en plein visage. Son corps a roulé le long des marches et est resté sur le palier.
Plusieurs SEAL sont arrivés et se sont massés derrière moi. Le couloir du premier étage est plein d’assaillants. Ils sont assez nombreux. Il faut gagner l’étage du dessus.
Je me mets derrière l’homme de tête, et lui presse l’épaule pour lui faire comprendre que nous sommes prêts.
« On y va. »
15
D EUXIÈME ÉTAGE
Khalid gît sur le dos. On l’enjambe pour gagner l’escalier.
Les marches glissantes le sont encore plus à cause du sang. Chaque pas est délicat. Je remarque un AK-47 tombé sur les marches. Celui de Khalid.
Je me dis : Heureusement qu’il n’a pas trouvé le temps de s’en servir.
Si l’homme de tête n’avait pas eu l’idée de l’appeler par son nom, on aurait pu rester bloqués dans l’escalier. Khalid n’aurait eu qu’à s’installer sur le palier et lâcher une rafale chaque fois que nous aurions tenté d’escalader les dernières marches. Ç’aurait été un cauchemar et nous aurions certainement subi des pertes.
Nous avions prévu plus de combats. Malgré leurs discours sur les kamikazes et leur volonté de verser leur sang pour Allah, un seul des frères Al-Kuwaiti a tenté de résister. Khalid y a pensé aussi. Il y avait des balles dans son AK-47. Il était prêt à se défendre, mais nous ne lui en avons pas laissé l’occasion.
Il fait totalement noir dans la cage d’escalier, mais avec les NVG, tout est baigné d’une lumière verdâtre. Le SEAL qui assurait la sécurité est maintenant à l’avant. Nous le suivons. Ralentissons. Nous prenons notre temps. L’homme de tête est nos yeux et nos oreilles. C’est lui qui donne le rythme.
On accélère. On ralentit.
Jusqu’ici, tout concorde. La résidence abrite sans doute quatre hommes. Le seul qui reste est donc Ben Laden. Mais je refoule cette pensée. Peu importe qui occupe le second étage. Nous sommes peut-être sur le point de déclencher une fusillade, et la plupart des fusillades à des distances aussi réduites ne durent que quelques secondes. Aucune marge d’erreur.
Concentre-toi.
Avec l’homme de tête juste devant moi, je ne peux
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