Ce jour-là
reconnaissant lorsque Tom nous donne quelque chose à faire.
« On fouille le corps une dernière fois pour être sûr qu’on n’a rien loupé. »
Walt quitte la poitrine de Ben Laden et enfile des gants en latex. Je descends la fermeture Éclair et nous ouvrons le sac mortuaire. Walt palpe le corps, d’abord devant, il passe les mains le long des flancs du cadavre, et enfin le dos. Nous explorons les poches de son pantalon. Nous cherchons des choses comme des bouts de papier avec un numéro de téléphone ou d’autres renseignements de ce genre.
Pendant que nous cherchons, je remarque que l’équipage du Black Hawk essaie de voir le cadavre. Ils surveillent l’extérieur, mais jettent des regards par-dessus leur épaule dès qu’ils le peuvent. Je leur dis de s’approcher et j’éclaire le visage de Ben Laden avec une lampe-torche à verre rouge.
Le regard des deux hommes s’éclaire. Un grand sourire s’affiche sur leur visage. Ils sont visiblement fiers de faire partie de cette mission. Nous nous sommes entraînés avec eux depuis le premier jour, en Caroline du Nord. Sans ces types, il n’y aurait pas eu d’opération possible. Ils ont su déjouer les défenses aériennes pakistanaises et nous sommes à quelques minutes de la sécurité de notre base. À voir leur excitation, je réalise pour la première fois que cela va être encore plus énorme que ce que j’avais envisagé.
Walt ne trouve rien. Il referme le sac et reprend sa place, assis sur la poitrine de Ben Laden.
Je ferme les yeux. J’intègre ce qui vient de se passer. Il y a une heure, je croyais mourir dans un accident d’hélicoptère. Chose amusante, l’accident m’a obsédé plus longtemps que le moment où je me suis fait tirer dessus à travers la porte. J’ai déjà essuyé des tirs, jamais un crash d’hélicoptère. L’accident se déroulait au ralenti. J’ai eu le temps d’y penser. Ma poitrine se serrait à l’idée que nous allions nous écraser. J’ai vu le sol arriver sur nous.
Je ne contrôlais rien, et c’était ce qui m’avait le plus effrayé.
Mais malgré le cadavre qui gît à mes pieds, une part de moi pense qu’on a échoué. Nous n’avons pas pu récupérer tous les renseignements que nous aurions pu. Nous n’avons pas ouvert tous les tiroirs. Dans le couloir du premier étage, il reste des piles de cartons intactes. D’habitude, nous faisons un meilleur boulot, mais là, nous avons manqué de temps. Nous sommes des perfectionnistes et si le reste de l’opération s’est déroulé sans accroc après le crash, la partie SSE est bâclée.
Nous sommes toujours nos critiques les plus sévères.
La radio grésille dans mon oreille, me faisant sursauter.
« Nous sommes dans l’espace aérien afghan », dit la voix de Tom.
J’ai appris par la suite que nous avions une solide avance et que les F-16 pakistanais n’ont jamais été en mesure de nous approcher.
Un quart d’heure plus tard, j’ai vu l’éclat des lumières de Jalalabad. Scène que j’ai déjà vécue souvent et qui n’est pas spécialement différente aujourd’hui. Nous avons réussi à rentrer et, dans quelques minutes, nous serons au sol et en sécurité.
Le Black Hawk se pose juste à l’extérieur du hangar. Le cercle protecteur de lumière est branché, et un pick-up Toyota Hilux blanc nous attend sur le tarmac.
Lorsque nous descendons, trois rangers de l’armée quittent le pick-up et viennent prendre livraison du corps. Ils ont la responsabilité de le convoyer de Jalalabad à Bagram.
Les soldats sont dirigés par un sergent avec lequel j’ai travaillé au cours de ma précédente mission. Il était resté en Afghanistan. Nous nous sommes croisés à la cafétéria, avant la mission. C’est quelqu’un de carré. Nous nous respectons.
Mais lorsqu’il veut enlever le corps avec son équipe, nous l’en empêchons. C’est notre mission.
« Putain non, grommela Walt. C’est nous qui l’avons chopé. »
Nous avons été jusqu’au Pakistan pour le chercher, nous menons la mission jusqu’au bout.
Je prends l’une des poignées du sac mortuaire et c’est nous qui le transportons jusqu’à l’arrière du pick-up. Je saute sur le hayon et je m’assieds à l’envers. Les autres descendent du Chinook qui vient de se poser, et un poids énorme disparaît de mes épaules. Tout le monde est rentré sain et sauf.
Tandis que nous roulons, le sergent m’attrape par l’épaule. Il tient une
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