Comment vivaient nos ancêtres
trop se parler, mais on se rattrape du regard. Les filles, souvent, se montrent en groupe, marchant bras dessus bras dessous par trois ou quatre. Celles du milieu, se sentant plus protégées, n’hésitent pas à aguicher les gars.
Les cérémonies de mariage sont des occasions de rencontrer l’âme sœur. « Qui va à la noce va chercher une fiancée », déclare-t-on en Alsace. De fait, tout est prévu pour cela. Les « couples d’honneur » sont minutieusement choisis et chargés de probabilités matrimoniales, au point que si l’on est déjà engagé secrètement, l’on doit refuser cet honneur. De même la mariée, ôtant sa couronne, en distribue les épingles aux jeunes filles. Ne pas en donner à l’une d’elles serait considéré, non comme une manœuvre vexatoire, mais comme une malveillance destinée à lui ôter des chances de se marier.
D’une façon ou d’une autre, les « galants » arrivent donc toujours à leurs fins. Ils « courent » ou « blondent » les filles et les belles. Puis, l’affaire prenant corps, des couples se constituent. On cause, on se guette, on se suit : là encore les mots varient. Seuls, à l’abri des regards des parents, on se promène en se tenant par le petit doigt. On flirte, dirait-on aujourd’hui, sans savoir que ce mot anglais tient son origine dans l’expression française « conter fleurette ».
Le code amoureux peut étonner. Il tient plus souvent de la gymnastique ou de la boxe que de l’érotisme. On se frotte les hanches, on se crache dans la bouche, on se donne des bourrades, comme en Bretagne, ou on se tord le bras. Mais ces fréquentations sont souvent longues et l’on comprend mieux pourquoi certains « chats » sont tentés « d’aller au fromage ».
Arrive le temps de la demande. L’hiver est une saison propice car « l’oie est au pot et le cochon au saloir », et les veillées permettent de mieux faire connaissance. La demande vient du jeune homme ou de son père, mais parfois l’intermédiaire d’un « professionnel » est requis. Chaque village a ses entremetteurs spécialisés, souvent recrutés parmi les bergers ou les tailleurs d’habits car ces derniers, travaillant à domicile, ont l’occasion de passer dans les maisons prendre et livrer les commandes. Notre homme, appelé selon les régions « merlet », « marieur » « kouriter » en Bretagne, « accordeur », « ambassadeur », « couratier », « menadour », mais aussi curieusement « croque-avoine » ou « coupe-jarret », s’équipe d’un bâton blanc – écorcé – enrubanné, ou d’un rameau de genêt, et va se présenter chez les parents.
Une demande ne saurait être refusée. Certes, on évince les mauvais candidats mais, dans nos villages, l’étiquette et la susceptibilité sont très exacerbées et on fait en sorte d’éviter des paroles définitives. Les parents recourent donc à tout un langage codé pour se faire comprendre sans donner de réponse. Prier ou non de s’asseoir, rouler ou dérouler son tablier, mettre ostensiblement un ustensile à l’envers, éteindre le feu ou le tisonner, offrir un repas maigre ou un repas gras (omelette ou viande), comme encore tendre une « caissate » (casserole en lorrain) vide au demandeur sont des actes que chacun sait parfaitement interpréter. On peut alors se retirer sans avoir été offensé ou rester et poursuivre les discussions qui seront encore longues avant que l’on ne scelle l’accord en se frappant dans les mains ou en choquant les verres.
De ce jour-là, le futur est admis à visiter sa promise chez elle, à lui faire officiellement de menus cadeaux : foulards, mouchoirs… comme aussi à venir aider son futur beau-père lors des gros travaux d’été. Une suite de rites et de comportements, tantôt graves, gais, burlesques ou grivois, vont ainsi se succéder jusqu’au jour du mariage.
L’AFFAIRE QUI COURT
ET L’ARMOIRE QUI S’OUVRE
Pendant que les promis échangent des baisers, quelquefois plus, et les cadeaux de fiançailles – « bagues et joyaux » pour la fiancée, fine chemise de chanvre pour le marié, chemise dans laquelle il se mariera et dans laquelle aussi il sera enterré quand viendra « l’heure des heures » –, pendant que les promis « font l’amour » au sens ancien du terme, les pères discutent affaire. On visite les fermes et on négocie les dots.
Bientôt, on publie les bans, pour lesquels une dispense est
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