Comment vivaient nos ancêtres
le charivari représente le monde à l’envers ; les gens y portent des vêtements du sexe opposé et des vestes retournées. Lors des remariages, des mariages de maître avec leur servante, ou des unions avec un époux plus vieux ou d’une autre commune, la bande des jeunes se contente souvent de tapage nocturne sous les fenêtres du couple dénoncé. Le vacarme se fait avec des instruments symboliques : la poêle à frire où sont censées cuire les âmes des nouveaux mariés, le tuyau, allusion assez évidente et crue au fait que la femme se fait ramoner indûment par un homme qui ne lui est pas destiné, les clochettes représentant les testicules du mari. Ce charivari ne s’arrête que lorsque le mari a payé à boire, autre façon d’acquitter un droit de rachat à la communauté.
La foule en délire et souvent avinée a du mal à se dissiper et bien des charivaris se terminent avec des coups de fusil. Au XIX e siècle, des préfets outrés par ces désordres « dignes des anciens sauvages » tentent de mettre fin à ces débordements. Ils ne s’en poursuivent pas moins dans certaines régions comme le Béarn, où ils se conjuguent souvent avec carnaval et pèle-porc. On m’a cité un cas assez récent, datant des années 1930, qui a eu lieu en Corrèze après qu’un père de cinquante ans eut obligé son fils handicapé mental à épouser sa propre maîtresse âgée de soixante-sept ans. Le charivari, qui en a résulté, s’est terminé par une tentative de suicide.
Les époux adultères d’autrefois sont également les victimes d’une farce burlesque, celle des « courses à corps nus ». Ainsi, à Clermont-Dessus, dans le Lot-et-Garonne, les coupables doivent parcourir la ville tout nus, la femme marchant la première et tenant le bout d’une corde attachée aux testicules de l’homme. Dans le Lyonnais, la femme qui a trompé son mari doit « courir nue après une poule jusqu’à ce qu’elle l’eût attrapée, tandis que son complice, aussi nu qu’elle, est contraint de ramasser du foin pour en faire une botte ». Dans le Languedoc, tous deux parcourent les rues du village très légèrement vêtus, et l’homme est en plus fouetté par les femmes qui le rencontrent. Pas question donc de jeter la pierre à la femme adultère. On la réserve à son mari !
LOTERIES ET ONCLES D’AMÉRIQUE !
LE JEU DE L’ARGENT ET DU HASARD
Dans le monde de nos ancêtres, l’argent circule peu. Quelques sols, quelques livres par-ci par-là, de modestes dots dans les contrats de mariage. Tout étant produit sur place, à la ferme ou au village, le commerce est limité. Comment nos ancêtres peuvent-ils dès lors espérer s’enrichir ?
Il y a déjà la loterie mais bien peu de gens la pratiquent. Cette loterie, qui n’est pas encore « nationale », est apparue en France au XVI e siècle. En 1536, les guerres d’Italie ayant ruiné le Trésor, un proche de François I er lui a proposé de « rhabiller les affaires du royaulme qui étoient fort décousues par le moyen d’une loterie ». Le roi réfléchit et accepta : « Pendant que nos sujets s’y livreront, ils oublieront fort à propos de s’injurier, de se battre et de blasphémer Dieu. » François I er avait vu juste. Le peuple, comme d’ailleurs les grands, se passionna pour ce nouveau jeu, qui devait permettre aux successeurs de ce monarque de payer la construction du Pont-Neuf. Sous Louis XIII, un certain M. Tonti perfectionne le système en proposant de gagner des rentes viagères : les « tontines ».
Cependant la loterie royale ne touche guère que les Parisiens. Elle est d’ailleurs supprimée en 1829 et il faut attendre la loi du 31 mai 1933 pour retrouver une loterie démocratique qui est encore la nôtre. La France entière vibre lors des tirages solennels confiés à des enfants de l’Assistance publique, eux-mêmes tirés au sort, qui retirent les boules de la fortune de grandes sphères à claire-voie. Nos grands-parents se souvenaient tous de M. Bonhoure, un coiffeur de Tarascon, qui en a été le premier millionnaire et fit alors la vedette de tous les magazines et journaux.
Plus que la loterie, c’est vers les aventures lointaines et les promesses de quelque Far West mirifique que nos ancêtres en quête de fortune rapide se tournent (12) . Plusieurs terres se portent ainsi candidates. Au XVII e siècle, c’est la Nouvelle-France, c’est-à-dire le Québec. Un apothicaire parisien, Louis Hébert,
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