Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Comment vivaient nos ancêtres

Comment vivaient nos ancêtres

Titel: Comment vivaient nos ancêtres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
Vom Netzwerk:
méthodique, notamment en reconstituant le long cheminement qui reliait Baltazar à Eugène Schneider (13) . Le premier est un paysan anonyme rencontré vers 1664 en Lorraine, dans une région ruinée par la guerre de Trente Ans où on lui accorde un lot composé d’une masure et de son « pâturai ». Le second, son arrière-arrière-petit-fils, est le grand maître des forges du Creusot, un des premiers personnages du Second Empire, président du Corps législatif – notre Assemblée nationale. En 1865, il réussit à vendre des locomotives à l’Angleterre, ce qui tient alors d’une performance exceptionnelle équivalente à celle de vendre aujourd’hui des supersoniques aux Américains. Eugène Schneider n’est pas un cas isolé. À l’origine de toutes les grandes dynasties, on trouve presque toujours un petit paysan, un modeste laboureur qui a décidé, un jour, de se lancer dans les affaires.
    Sous l’Ancien Régime, la société est composée de couches sociales superposées mais non imperméables, entre lesquelles il est possible d’évoluer, à la seule condition de savoir être patient car la progression est toujours lente. Seuls les plus démunis, journaliers, domestiques et tous les employés des villes et des campagnes ont peu d’espoir de réussite, à moins qu’un hasard ne leur permette un mariage avantageux au risque d’un éventuel charivari. En revanche, les laboureurs à la campagne, comme les artisans en ville, peuvent tenter l’aventure sociale. Pour cela, ils se font « marchands ». Marchands de bestiaux, de noix, de blé, de drap, d’outils, souvent d’un peu tout cela. Ils fréquentent les foires et les marchés et font des affaires. À la campagne, ils prennent des « régies », des terres « en ferme », et bien souvent profitent alors de leur pouvoir sur les métayers et de la confiance des propriétaires qui ne résident généralement pas sur place. Certains même, les plus arrivistes, s’arrangent alors pour mal gérer le domaine, afin de le racheter à bas prix plus tard lorsqu’il aura perdu de sa valeur.
    Découvrant les affaires et l’argent si peu répandus dans le monde d’autrefois, les marchands accèdent, à la génération suivante, à d’autres professions : celles des petits métiers juridiques comme procureur d’office (notre ancien avoué, spécialiste de la procédure), procureur fiscal (son équivalent, auprès des justices seigneuriales), sergent (à la fois huissier et commissaire de police), mais surtout notaire.
    Le notaire est un homme capital ; il est au courant et au centre de toutes les tractations terriennes et familiales. Pour le devenir, il suffit d’acheter un « office ». Nombre de marchands mettent ainsi leurs fils en apprentissage, comme « praticien », chez quelque homme de loi de leurs relations, puis lui acquièrent ensuite une de ces charges dans les environs. Exerçant le métier dans la région, nul doute que celui-ci sache défendre les intérêts de la famille et en favoriser les affaires.
    À la génération suivante, on se retrouve souvent avocat puis propriétaire de quelque office ou charge dans un parlement régional. On n’a là que l’embarras du choix, tant les conseillers du roi, secrétaires du roi, gardes-sceaux ou présidents y sont nombreux. Après quelques décennies d’exercice dans une même charge, on reçoit un titre de noblesse de robe, puis de noblesse d’épée, jusqu’à ce que, grâce à d’heureuses alliances, l’on soit admis à la cour. On se garde bien, dans sa nouvelle position, de se souvenir du petit laboureur du départ, de ce Jean Bonnet, paysan marchois ou tourangeau, quand on est devenu soi-même le sieur Bonnet de Marsac, et même parfois M. de Marsac tout court, éventuellement avec un titre de comte ou de marquis.
    Et pourtant ce petit laboureur de village a eu tant de mérite. « Français moyen » d’antan, cet homme ne possède que quelques biens mobiliers : une charrue et une paire de bœufs tout au plus. La terre ne lui appartient pas. Les bœufs, que l’on peut comparer au tracteur de l’agriculteur moderne, sont cependant infiniment plus fragiles. La moindre maladie ou épidémie risque de les faire crever. Voilà pourquoi nos ancêtres entourent leurs animaux de tant de précautions en les faisant bénir et en les associant à bien des temps forts de leur vie quotidienne. Que cette fortune mobilière vienne à disparaître, que notre homme tombe

Weitere Kostenlose Bücher