Comment vivaient nos ancêtres
obligation, il est tenu, au fil des temps et des catastrophes, à porter un signe de reconnaissance selon qu’il a ou non fait quelques études. Ainsi les chirurgiens sortant d’une école portent une robe longue et les vulgaires chirurgiens-barbiers une courte. Pour ceux-là, comme pour les dentistes, aucun diplôme n’est exigé. D’ailleurs, sous l’Ancien Régime, chacun s’accorde à reconnaître parfois comme les meilleurs chirurgiens d’autres spécialistes des instruments contondants, à savoir les bourreaux.
Les apothicaires, experts en plantes et remèdes variés – sous Louis XIII font fureur en leurs officines « l’huile de petit chien » et des « cataplasmes de crottes de chien » –, mettent un certain temps à se dissocier des professions de droguiste et d’épicier. Cependant ils sont soumis à un contrôle depuis que le roi Jean le Bon, en 1355, leur a ordonné d’indiquer le mois et l’année de la confection d’un produit pharmaceutique sur le récipient.
Quant au vétérinaire, tout aussi important pour nos ancêtres, sinon plus, compte tenu de ce que représente à leurs yeux le bétail, il est également rare. Plus connu sous le nom « d’artiste », du fait que les anciens élèves des écoles de Lyon ou d’Alfort, créées en 1763 et 1765, sont alors qualifiés « d’artistes vétérinaires », il est en concurrence avec les nombreux sorciers et surtout les « affranchis-seurs de bétail », spécialistes de la castration des animaux mais qui sont cependant appelés à tout propos.
Dieu, la nature et leurs miracles restent donc longtemps les derniers décideurs de guérison. Tel ce cas singulier observé par un témoin digne de foi en la personne d’un médecin de Bourg-Saint-Maurice, sous le règne de Louis XVIII : « Un maréchal-ferrant qui n’était pas doué d’un esprit très brillant était fréquemment insulté par un jeune étourdi toutes les fois que celui-ci passait devant la forge. Un jour, le jeune homme railla le maréchal, qui, indigné, sortit subitement de sa forge ayant en main un fer rougi au feu, l’enfonça avec force dans le derrière du jeune polisson. Le fer pénétra et traversa de derrière en devant. Le blessé eut d’abord une soif ardente, des sueurs froides, un pouls intermittent et faible, et éprouva de grandes douleurs dans le bas-ventre. Le malade n’avait point encore rendu d’urine vingt-quatre heures après sa blessure. La plaie ne donnait ni sang ni pourriture. On lui donnait des lavements avec de la térébenthine, on le saignait, on employait des huiles, des émulsions. Un régime sévère de jardinage, d’autres aliments doux furent sa nourriture, les excréments et l’urine reprirent leurs voies naturelles, et la continuation des mêmes remèdes guérirent radicalement le malade qui devint plus honnête. »
Certains médecins auraient-ils su guérir à la fois les corps et les cœurs ? Un savant évêque du XIX e siècle, Mgr Gaume, l’explique dans son ouvrage érudit sur l’eau bénite : « Les miasmes délétères qui tuent les corps sont le produit de la corruption des âmes. Le mal physique est né du mal moral. »
« SACHANT QU’IL N’EST RIEN DE PLUS CERTAIN
QUE LA MORT, NI DE PLUS INCERTAIN
QUE L’HEURE D’ICELLE »
Il restait et il reste encore une seule chose contre laquelle la médecine s’est toujours montrée démunie : la vieillesse. Pourtant, le mythe de la fontaine de Jouvence remonte à la nuit des temps. La quête immémoriale du rajeunissement a toujours obsédé l’homme pour garantir le succès de bien des charlatans, jusqu’au brave « abbé Soury », inventeur d’un élixir fameux à la fin du XIX e siècle.
Nos aïeux ont tout essayé, en particulier toute sorte de testicules : ceux de lièvre, mangés crus par les Grecs, d’âne (surtout le droit), broyés et avalés dans du lait – de préférence du lait de cerf – séchés, réduits en poudre et mis dans du vin, ou d’hyène, mangés avec du miel… Ils croquèrent des têtes de serpent, de l’eau de poudre d’or préparée par les alchimistes (le pape Nicolas IV lui-même l’essaya) et inventèrent même la « gérocomie », méthode consistant à respirer l’haleine des jeunes filles. Rien n’y fit, au point que le vieux slogan « pour rester jeune » fait encore aujourd’hui recette en publicité.
Et nos ancêtres vieillirent. Ils vieillirent même vite. La vieillesse, autrefois,
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