Comment vivaient nos ancêtres
commence en effet très tôt. Prématurément usés et cassés par le travail (ce qui ne les empêche pas de continuer à l’assumer), les voici bientôt édentés. L’homme chauve porte la barbe longue et blanche qui se mêle aux favoris que l’on laisse également pousser. La femme, de son côté, arrive à la quarantaine déjà épuisée par l’alternance des grossesses et des allaitements. Chez les plus riches, on est vieux à cinquante ou soixante ans. Chez les autres, souvent avant la cinquantaine. D’ailleurs, au XVIII e siècle, on peut estimer à quelque 10 pour 100 la proportion de plus de cinquante ans dans la population française, alors qu’elle est aujourd’hui de 30 pour 100 !
Tous les chiffres statistiques étant faussés par les énormes taux de mortalité infantile, il est difficile de dire quelle est réellement l’espérance de vie de nos ancêtres à leur naissance. Disons que l’homme ou la femme de soixante-dix ans est considéré comme tout à fait chenu. Dès lors, c’est à peine si l’on compte. Les curés, lorsqu’ils dressent des actes de sépulture d’individus « âgés d’environ soixante-quinze, quatre-vingts, quatre-vingt-dix ans…», n’ont, on le sait, aucun repère. Les grands vieillards semblent n’avoir plus d’âge évaluable ! Les quelques centenaires que l’on peut rencontrer, exceptionnellement, sont en général plus que douteux. « Âgé d’environ cent ans », signifie davantage « très vieux ». Personne n’a compté, à commencer par l’intéressé, et personne ne peut dire si il ou elle a quatre-vingt-sept, quatre-vingt-treize ou cent un ans !
Jusqu’à ce que l’état civil devienne fiable, au XIX e siècle, il convient de se montrer prudent. Méfiance donc à l’égard, par exemple, de Claude Claudot, mort à Omelmont le 26 septembre 1716 à l’âge de cent quinze ans et à propos duquel le curé d’Houdreville (Meurthe-et-Moselle) précise : « Son grand âge n’empêchait pas qu’il n’eût l’esprit très présent et m’a raconté plusieurs choses mémorables qui se sont passé de ses jeunes ans, lesquelles il circonstanciait mieux que font aucun historien. » Prudence aussi à l’égard de Domange (Dominique) Bonnemaison, morte le 6 septembre 1777 à cent vingt-deux ans à Laurignac, diocèse de Lombez (Gers), et dont on nous dit qu’elle n’avait jamais été purgée ni saignée et qu’elle ne fut privée de la vue qu’un an avant sa mort. On ajoute même qu’on a observé que le plus léger frottement sur ses mains faisait sortir de la poussière !
Les témoignages du XIX e siècle et du début du XX e inspirent davantage confiance quant à leur authenticité. D’ailleurs, les vieillards sont souvent choisis comme sujets de cartes postales lorsqu’ils sont encore à peu près photogéniques. La photo d’Anne Nectoux (15) , à Broyé en 1926, ressemble assez à celle de Rose Hirson, prise à Villequier-Aumont en 1908. À la différence que cette dernière a sa carte avec autographe. Tout comme M. Hémery pour lequel le texte dit : « Voici un centenaire porte-bonheur, M. Hémery, âgé de cent quatre ans, né le 15 mars 1806 à Champeaux (Côte-d’Or), habitant actuellement 9, avenue du Chemin-de-Fer, Le Raincy, chez son petit-fils », avec, au bas, un slogan imprimé : « M. Hémery souhaite au destinataire de battre son record ! »
Difficile, donc, de parler des vieillards d’autrefois. Henri Vincenot, né en 1912, pour avoir connu trois de ses arrière-grands-parents, fait vraiment ici figure d’exception ; nos ancêtres des XVII e et XVIII e siècles ne connaissaient souvent aucun de leurs grands-parents puisque, dans une bonne proportion des cas, un seulement des quatre parents est encore vivant au mariage de ses petits-enfants.
On a vu que nos vieux, une fois grand-père ou grand-mère, se recyclent souvent dans le gardiennage des troupeaux et l’éducation des jeunes enfants. Ils racontent leurs souvenirs aux veillées et, pour les anciens vétérans, leurs récits de soldats. Ils gèrent aussi les réseaux de parenté et les stratégies matrimoniales. Bien souvent, ils concluent quelque arrangement avec leurs enfants chez le notaire du bourg afin de garantir leurs vieux jours, à moins qu’ils ne l’aient prévu dès le contrat de mariage du fils ou de la fille. Enfin, ils pensent à régler leurs affaires.
Le testament, sous l’Ancien Régime, vise moins à assurer la
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