Comment vivaient nos ancêtres
aux Jeux floraux de Toulouse, a gagné une fleur d’églantine en métal précieux. Il n’en a pas fallu davantage pour que son esprit poète le pousse à se rebaptiser Fabre d’Églantine. Grand adepte des idées révolutionnaires, il siège à la Convention lorsqu’un mathématicien auvergnat, Romme, présente un rapport sur la nécessité de créer un calendrier révolutionnaire. Abandonnant l’ancien calendrier grégorien jugé par trop religieux, le nouveau débute à la naissance de la République, le 22 septembre 1792, date beaucoup plus importante aux yeux de Romme que celle du Christ. L’année est divisée en douze mois égaux de trente jours complémentaires. Chaque mois compte trois parties de dix jours appelées décades. L’année se termine par cinq jours nommés « sans-culottides », auxquels s’ajoute un sixième, nommé « franciade », en année bissextile. En bon mathématicien, Romme se contente de chiffres pour dénommer mois et jours, d’où des dates désormais dénuées de toute poésie.
Fabre d’Églantine bondit et présente immédiatement un projet de dénomination des mois et des jours aussitôt adopté. Les jours restent primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi et decadi. Les mois, en référence à la météorologie, deviennent, pour l’automne : vendémiaire, brumaire, frimaire (mois des vents, des brumes et des frimas), pour l’hiver : nivôse, pluviôse et ventôse (neige, pluies et vents), pour le printemps : germinal, floréal, prairial (germination, floraison, prairies), et pour l’été messidor, thermidor et fructidor (moissons, chaleur estivale et fruits). Les cinq derniers jours-tampons prennent le nom de sans-culottides.
Mais Fabre d’Églantine va plus loin et remplace les fêtes quotidiennes des saints par des hommages rendus aux vertus, à la nature, au travail. Il dédie par exemple le 5 frimaire au cochon, le 7 au chou-fleur, le 10 à la pioche, le 8 nivôse au fumier, le 16 au silex, le 23 pluviôse au chiendent, comme d’autres à la rhubarbe, à la tulipe, à la carpe, à l’arrosoir… ce qui n’empêche pas quelques fanatiques de l’époque d’en choisir certains pour baptiser leurs rejetons qui, le plus souvent, se hâteront, à l’âge adulte, de reprendre un prénom « plus catholique ».
L’œuvre de Romme et de Fabre d’Églantine ne devait pas survivre à l’Empire. Le calendrier grégorien est repris au 1 er janvier 1806, huit ans cependant après la mort de ses inventeurs, tous deux condamnés à mort sous la Terreur.
DE LA CHANDELEUR À LA SAINT-VALENTIN
Puisque aucune date n’était historiquement incontestable quant au choix du début de l’année, je choisis ici de la faire commencer en février, non sans raison.
« À la Chandeleur, dit-on, l’hiver s’arrête, ou prend vigueur. » Un tournant s’amorce. Les jours, qui augmentent d’abord du saut d’une puce depuis la Sainte-Luce (du latin lux, la lumière) puis du saut d’une jument depuis le jour de l’an, ont désormais bonne mesure. La terre et la nature endormies vont préparer leur réveil. Nos paysans, enfermés chez eux et vivant au rythme des veillées vont peu à peu pouvoir regagner les champs. Le village tout entier quitte sa torpeur hivernale.
La date mérite donc d’être remarquée et célébrée. Avec des crêpes, peut-être, mais avant tout avec des chandelles. La Chandeleur est en effet la fête des chandelles, c’est-à-dire de la lumière, de cette lumière qui purifie (se souvenir de l’étymologie romaine de ce mois de février). Ce n’est pas un hasard non plus si l’Église a placé ce jour-là la présentation de Jésus au Temple et les « relevailles » de la Vierge Marie, quarante jours après son accouchement. Que sont en effet, comme on l’a vu, les relevailles sinon la purification de la mère, de la femme souillée par l’acte sexuel et la maternité ?
La Chandeleur doit donc son nom à la chandelle – la crêpe, elle, ne viendra que plus tard.
La chandelle, appelée justement « chandelle de la Vierge », est bénite par le prêtre à la messe du matin. Chaque famille y apporte la sienne et la rapporte à la maison. Souvent, on essaie de la maintenir allumée sur le trajet qui prévoit un crochet devant les ruches, pour rendre hommage aux abeilles qui en ont fourni la cire. Du fait de leur aiguillon celles-ci ont longtemps été considérées par nos ancêtres comme des
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