Comment vivaient nos ancêtres
long manteau (la pèlerine), coiffés de leur chapeau à larges bords et leur bourdon en main – tel est le nom de leur bâton –, ils vont par les rares routes, vivant de la charité et de l’hospitalité des habitants. Au retour, ils rapportent avec des souvenirs comme les palmes de Terre sainte ou les fameuses coquilles de Saint-Jacques.
Cette aventure extraordinaire se termine souvent par une course. En vue de la basilique ou du lieu convoité, nos pèlerins accélèrent la cadence et, à grandes foulées, celui qui arrive le premier au lieu saint reçoit le titre de « roi du pèlerinage ». Voilà en quoi je compare ces saintes excursions à notre Paris-Dakar, du moins à ce qu’il a pu être à ses débuts.
Cependant, à la fin de la guerre de Cent Ans, ces grands pèlerinages se raréfient. La prolifération des « coquins » (voir encadré page suivante) fait que le vrai pèlerin n’est plus en sécurité et que les populations devenues méfiantes lui accordent de moins en moins facilement l’hospitalité.
Dorénavant, on ne va cependant pas si loin. Les saints, les anges et toute la cour céleste ont en effet, dans leur infinie bonté, pris soin au cours des derniers siècles de livrer à domicile ce que l’on avait dû autrefois aller chercher ailleurs. L’Europe est en quelque sorte devenue une annexe du Sinaï et de la Judée. La maison où la Vierge Marie avait reçu plus de mille ans plus tôt la visite de l’ange de l’Annonciation a ainsi été transportée un beau jour par des anges jusqu’à Loretta, en Italie. Afin que l’on puisse s’y rendre et s’y recueillir sans grand déplacement.
Condamnés à être bouillis vifs
Durant la guerre de Cent ans, les difficultés et misères en tout genre ont souvent jeté par les chemins bon nombre d’aventuriers, à commencer par des soldats mercenaires que les trêves mettaient en quelque sorte au chômage. Ceux-ci n’avaient d’autres ressources que de vivre sur le terrain en pillant et en volant. Les plus féroces se faisaient « chauffeurs » ou « écorcheurs », pendant que d’autres, moins violents, préféraient se déguiser en pèlerins, pour se faire ouvrir les portes et abuser de l’hospitalité de leurs prochains.
Ils arboraient à leur chapeau ou à leur ceinture une coquille de Saint-Jacques, destinée à mieux tromper pour, une fois accueillis, rapiner ou rançonner leurs hôtes. On les nommait « coquillards » et plus souvent « coquins » (d’où ce mot, à son origine nullement enfantin, mais au contraire particulièrement injurieux).
Vers 1450, une véritable mafia de Coquillards s’était même développée, avec à sa tête un « roi de la Coquille ». Une organisation que l’on devait avoir bien du mal à démanteler, au terme d’un grand procès, instruit à Dijon en 1455, et qui se termina par la condamnation de dix de ses membres à la pendaison et des quatre principaux « cerveaux » à être bouillis vifs.
Le voyage ayant été long et fatigant, même pour des anges, les porteurs avaient dû s’arrêter tout au long de leur route pour se reposer, laissant ainsi, en Grèce, en Yougoslavie et ailleurs, des traces de la maison sacrée, bien visibles au sol sur quelque rocher de granit. Et voilà autant de lieux voués au culte de Notre-Dame de Lorette.
De la même façon, quelle fontaine miraculeuse ne doit-elle pas sa consécration à l’empreinte, bien moulée, du pied de la Vierge ou de l’enfant Jésus, ou encore de l’âne qui les avait portés lors de la fuite en Égypte. N’ayant aucune notion de géographie, nos ancêtres ne se permettent jamais de critiquer le choix de l’itinéraire de la Sainte Famille. Elle avait voulu voir et bénir leur pays ; autant de raisons de la louer. Et puis, tous les chemins conduisant à Rome, pourquoi n’auraient-ils pas tous conduit en Égypte ?
De façon plus concrète, les reliques, en souvenir d’un temps où l’on canonisait sans vérifier le témoignage annonçant un miracle auprès d’ossements d’un candidat à la sainteté, ne se comptent plus. Lesdits ossements ayant été partagés, dispersés et offerts en cadeau à tel ou tel curé ou évêque, ces derniers se hâtent de les enfermer dans un reliquaire ou une châsse décorée d’or fin et de faire bâtir une chapelle ou une église pour les abriter. Autant de situations souvent problématiques que Calvin se fera un malin plaisir de dénoncer. Saint Marc avait ainsi
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