Constantin le Grand
l’oublie pas quand tu décideras de la réponse à donner à Maximien.
J’ai attendu. J’ai prié. J’ai guetté, tentant de percer à jour les intentions de Constantin.
Accepterait-il d’envoyer ses légions en Italie afin d’aider Maximien et Maxence à résister aux troupes de l’empereur Galère qui marchaient sur Rome pour en chasser les deux usurpateurs et venger le meurtre de Sévère ?
J’observais les deux hommes qui se tenaient à l’écart, Maximien volubile, Constantin silencieux.
Puis, un soir de l’été 307, alors que le crépuscule ensanglantait le ciel et la mer, j’ai vu Maximien affolé : il allait et venait comme un animal traqué qui sent le cercle des chasseurs se resserrer autour de lui.
J’ai su à cet instant que Constantin n’enverrait pas ses soldats porter secours aux prétoriens de Maxence.
Cette nuit-là, dans mon sommeil apaisé, Constantin est sorti du labyrinthe et a suivi le chemin que lui montrait dans les cieux le signe de Christos.
Mais j’avais oublié que Dieu laisse aux hommes le loisir d’hésiter.
Dans l’aube rose et bleutée, j’ai appris que Constantin avait accepté, au cours de cette nuit tranquille, d’épouser Fausta, la fille de Maximien, une enfant d’une dizaine d’années !
Constantin, dont la mère, Hélène, avait été répudiée par Constance, lequel l’avait abandonnée pour se marier avec Theodora, la belle-fille de Maximien, rejetait à son tour sa compagne, Minervina, mère de son fils, pour devenir l’époux d’une fille d’empereur !
Hésios, le grand prêtre de Jupiter et de Sol invictus , approuva avec joie et sacrifia aux dieux de Rome. Constantin, soulignait-il, fils de l’empereur Constance, devenait ainsi l’époux de Fausta, fille d’empereur.
Qui pouvait empêcher qu’un jour il ne fut à son tour le premier dans l’Empire ?
J’étais accablé. Quel empereur serait-il, ce Constantin, entré dans la famille de Maximien le persécuteur ?
Pourquoi Dieu avait-Il toléré cette union qui, je le croyais, allait renforcer le camp des persécuteurs, éloigner encore le moment où l’Empire aurait à sa tête un chrétien ?
Car c’était bien sous la protection des dieux païens qu’allait se célébrer ce mariage.
Je partageais la déception et l’angoisse des chrétiens d’Arles que je rejoignais sur les berges du fleuve.
Constantin n’était-il qu’un empereur pareil aux autres ? N’avait-il pas, à Trêves, offert à la plèbe gauloise des Trévires les jeux les plus sanglants auxquels on eût jamais assisté en Gaule, livrant aux bêtes des centaines de prisonniers francs ?
Je ne pouvais les détromper.
Était-il vrai qu’il sacrifiait à Jupiter, à Sol invictus ?
Pourquoi, comme, dans les siècles passés, Néron ou Marc Aurèle, ne satisferait-il pas un jour la plèbe qui réclamait de voir couler le sang des chrétiens ?
Je ne savais que leur répondre.
J’assistai avec inquiétude aux préparatifs du mariage.
Alors que l’hiver était de retour, Arles était envahie par des représentants de toutes les Gaules venus rendre hommage à celui qu’ils appelaient leur empereur. Ils célébraient avec éclat, par de nombreux sacrifices, les cultes païens de Jupiter et d’Apollon, de Mithra, de Cybèle et d’Isis.
Le sang des bêtes égorgées, éventrées, coulait, et les entrailles fumaient cependant que les prêtres lisaient dans les viscères encore chauds un avenir glorieux pour Constantin.
Fallait-il que nous, chrétiens, nous priions aussi pour lui, pour cet homme qui ne se souciait pas de la mère de son propre fils ? Minervina était-elle morte ? Avait-elle été renvoyée dans sa ville de Drepanum ?
Cependant, les messagers des communautés chrétiennes m’annonçaient que si, à Rome, Maximien et Maxence avaient ordonné qu’on ne pourchassât plus les chrétiens, dans toutes les provinces d’Orient, Galère, rentré d’Italie après avoir été battu par les prétoriens de Maxence, et Maximin Daia, son césar, continuaient de plus belle à les persécuter.
Dans les palais d’Arles, dans les temples et les rues, on s’enivrait, on banquetait, on sacrifiait aux dieux païens, on fêtait ainsi l’union de Constantin et de Fausta.
Et je me suis interrogé : comment changer ce monde encore païen et faire en sorte que la religion de Christos l’irrigue et devienne celle de tout l’Empire ?
Une nuit, j’ai rêvé que
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