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Crépuscule à Cordoue

Crépuscule à Cordoue

Titel: Crépuscule à Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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ses émotions. Elle possédait beaucoup de courage, mais elle était sur le point de craquer. Voyant du coin de l’œil Helena qui m’adressait un signe éloquent, je donnai le signal du départ, en suggérant de raccompagner Claudia jusqu’à la maison de ses grands-parents.

57
    Il régnait le plus profond silence dans la grande demeure à moitié terminée. D’après ce que le fermier m’avait dit, les ouvriers étaient partis après une dispute, et les employés du domaine étaient consignés dans leurs quartiers. Quelques rares esclaves circulaient silencieusement en regardant le sol.
    Le corps de Rufius Constans avait été déposé sur un catafalque dressé dans l’atrium. Un décor constitué principalement d’immenses branches de cyprès ajoutait une note d’extravagance. Un grand dais avait été tendu pour masquer le soleil et créer une certaine pénombre. La quantité d’encens qui se consumait obligeait les visiteurs à se frotter les yeux et les faisait tousser. Le jeune homme attendait la cérémonie de ses obsèques vêtu de lin blanc et recouvert de guirlandes de fleurs imprégnées de divers produits de conservation. Il était entouré des bustes de ses ancêtres. Des couronnes de lauriers qu’il n’avait jamais réussi à gagner lui-même étaient accrochées à des trépieds pour symboliser les futurs honneurs que sa famille venait de perdre.
    J’échangeai un coup d’œil avec Marius. Sans que j’aie besoin de parler, il comprit que j’avais envie d’examiner le cadavre tandis qu’il monterait la garde. Puis, je décidai que c’était prendre beaucoup de risques pour rien. Très vraisemblablement. Nous renonçâmes donc d’un commun accord à provoquer un scandale.
    Dans une grande salle qui ouvrait sur l’atrium, Licinius Rufius et sa femme, tous les deux vêtus de noir, restaient assis dans la plus grande immobilité. Ils paraissaient n’avoir ni mangé ni dormi depuis qu’ils avaient appris la mort de leur petit-fils. Ils parurent n’attacher aucune importance au fait que nous venions de raccompagner Claudia, mais en revanche ils eurent l’air d’apprécier que nous soyons venus partager leur chagrin. L’atmosphère était étouffante. J’étais ému par la tragédie qu’ils vivaient, mais je ressentais encore les fatigues de mon voyage à Hispalis, et ma patience s’en trouvait très limitée.
    Des esclaves nous avancèrent des sièges, et Claudia s’assit immédiatement en gardant les yeux baissés, résignée à accomplir son devoir en la circonstance. Helena Justina, Marius et moi-même nous sentions beaucoup plus mal à l’aise. À en juger par les apparences, nous risquions de jouer les statues au cours des deux ou trois heures suivantes. Sans qu’un seul mot soit échangé. Persuadé qu’une telle passivité n’arrangeait rien, je sentais une grande nervosité s’emparer de moi. Alors, n’y pouvant plus tenir, je décidai de briser le silence :
    — C’est une terrible tragédie. Nous comprenons tous la profondeur de votre chagrin.
    L’ombre d’une réaction passa sur le visage du grand-père, prouvant qu’il m’avait entendu. Il ne fit cependant aucun effort pour me répondre.
    — Viendrez-vous à l’enterrement ? demanda la vieille dame d’une voix étouffée.
    Elle appartenait à cette catégorie de femmes qui puisent un réconfort dans les cérémonies officielles. Je déclarai que je viendrais, et Marius également. En revanche, Helena Justina resterait à la maison pour ne pas risquer de perturber la cérémonie en accouchant au beau milieu.
    Je n’en pouvais plus. Il fallait que j’exprime mes sentiments :
    — Licinius Rufius, Claudia Adorata, pardonnez-moi d’aborder un sujet qui vous accable… Dites-vous cependant que je m’exprime en ami. Il a été établi que quelqu’un qui a tout fait pour éviter d’être reconnu se trouvait avec votre petit-fils au moment de sa mort. C’est un problème qu’il faut élucider.
    — Constans est mort, constata lugubrement le vieil homme. Alors ça servirait à quoi ? Je suis sûr, cependant, que ton intention est bonne, concéda-t-il de sa voix autoritaire habituelle.
    — C’est certain, acquiesçai-je. Et je respecte ton désir de discrétion. C’est pourquoi j’aimerais t’entretenir en privé de la sécurité de ta petite-fille.
    — Ma petite-fille !
    Son regard croisa le mien, qui demeura glacial.
    Après les funérailles, Claudia Rufina deviendrait sans doute le

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