Crépuscule à Cordoue
trajet d’aujourd’hui depuis ce voyage à Cordoue.
J’étais impressionné. L’explication était évidente.
— Eh bien, tu vas pouvoir m’aider à résoudre un mystère, dis-je.
Je vis son visage s’épanouir.
— Je vois de quoi tu veux parler, Falco. Le jeune homme qui a soi-disant mal au dos a très bien pu aller retrouver son ami pour l’aider à fixer les meules. La distance parcourue en trop correspond parfaitement…
Je devais faire des efforts pour conserver mon calme. Je ne pouvais me permettre aucune déduction hasardeuse.
— Mais je crois que tu as oublié quelque chose : ce jour-là, Helena Justina a rendu visite à Ælia Annæa.
— Oui, convint Marmarides, mais elle est repartie avec Ælia, venue la voir. Et Optatus s’est rendu à Cordoue avec un char à bœufs.
Il avait vraiment pensé à tout.
— Donc, ta carriole se trouvait dans l’écurie ?
Il acquiesça d’un signe de tête. La ferme se trouvant près de la route, et les esclaves étant tous en train de travailler dans les champs, il était facile d’emprunter le cabriolet sans attirer l’attention.
— Tu n’as pas remarqué si les mules étaient sorties ? Tu aurais dû voir qu’elles avaient transpiré…
— Je n’ai pas pu le voir, parce que j’ai accompagné Optatus à Cordoue. Je savais qu’Helena n’aurait pas besoin de moi.
Ce qui, par la même occasion, donnait un solide alibi au fermier.
— Qu’est-ce que tu es allé faire à Cordoue ? Je parie qu’il y a une histoire de femme là-dessous !
Il se contenta de ricaner, confirmant mes soupçons.
— Bon, tu as pu observer Quadratus et son mal au dos, repris-je. Il ne pouvait pas monter à cheval, mais crois-tu qu’il était capable de conduire les mules sur une courte distance ?
— Probablement. Quant à soulever ces meules, c’est une autre histoire.
— Celui qui aidait Constans n’était pas doué, le résultat le prouve. Et si c’était Quadratus, il a très certainement laissé échapper la pierre à cause de son mal au dos… Auquel cas la mort de son ami serait vraiment accidentelle.
Ce jour-là, laissé seul à la ferme, Quadratus s’ennuyait probablement. Ou alors, Constans avait demandé à lui parler au sujet de Selia. Bref, pour une raison ou une autre, Quadratus s’était presque certainement trouvé en compagnie de Constans lors de sa mort.
— Il te faut des preuves, déclara Marmarides qui commençait à imiter mon comportement. Viens avec moi jusqu’à l’écurie, et recompte les cailloux toi-même.
Il donnait l’impression de vouloir prendre la direction des opérations. Je le suivis sans hésiter. Et je constatai qu’il avait entièrement raison. Le cabriolet avait été utilisé pour effectuer un parcours qui correspondait à un aller-retour chez Licinius Rufius.
Nous indiquâmes les résultats de nos calculs sur une tablette et signâmes tous les deux comme témoins.
59
Les funérailles eurent lieu dès le lendemain. Il n’y avait aucune parentèle éloignée dont il fallait attendre l’arrivée, et il fait très chaud en Bétique.
La nécropole où reposaient les riches Cordouans s’étendait au sud de la cité, de notre côté du pont. Pas question pour les nantis d’enterrer les membres de leur famille parmi les morts de la classe moyenne et les pauvres. Et le columbarium situé près de la porte ouest, qui recueillait les cendres des gladiateurs, était encore moins fréquentable. Là, de l’autre côté du fleuve, loin des bruits de la ville, chaque famille connue possédait un mausolée. Ces monuments élégants bordaient la route importante qui traversait la plaine fertile et les collines plantées d’oliviers, entièrement baignées par le soleil brûlant.
Personnellement, je me demandais pourquoi ils n’avaient pas construit ces mausolées sur leurs propriétés respectives, plutôt que le long de cette voie passante. Ils pensaient peut-être que leurs morts s’ennuieraient moins.
Les Rufii n’avaient pas été aussi extravagants que la famille qui avait érigé un temple miniature doté de colonnes ioniques entourant un imposant portique. Pour le moment du moins. Leur sépulcre consistait en une petite construction de brique au toit recouvert de tuiles et pourvu d’une porte basse. À l’intérieur, des niches abritaient les urnes contenant les cendres des défunts, et des plaques commémoraient les morts d’une façon particulièrement macabre et alambiquée.
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