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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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la dernière foire.
    — Qu’il m’accompagne demain à la chasse.
    — Bien, Monsieur le marquis.
    — Viens donc avec lui.
    — Ce serait avec joie, mais il faut que j’aille dans le marais chercher des cendres de fumier pour l’engrais.
    La discussion se poursuivit ainsi pendant un quart d’heure. Puis il y eut un silence pesant. Amélie était mortifiée par l’accueil que ses parents réservaient à Antoine. Elle lançait des œillades impatientes à son père, mais celui-ci feignait de l’ignorer. Le regard triste du jeune homme lui donna finalement le courage d’intervenir.
    — Père, M. Loisel a fait une très longue route pour venir nous voir.
    Le marquis leva brusquement la tête et fixa sa fille d’un air agacé.
    — Imaginez-vous, ma chère, que j’ai des affaires urgentes à traiter. Nous aurons bien le temps de parler avec M. Loisel.
    Antoine se pelotonna sur sa chaise tandis qu’Amélie fulminait dans son coin.
    Le repas terminé, les deux jeunes gens restèrent un moment à table, espérant que le maître de maison daignerait enfin leur parler. Mais il n’en fit rien. Il annonça seulement qu’il se lèverait tôt, le lendemain, pour aller courir le chevreuil. Antoine rejoignit sa chambre. Il occupa une partie de la nuit à réfléchir. Il lui paraissait évident qu’il n’obtiendrait jamais la main d’Amélie. Comme à son habitude, il échafauda les plans les plus romanesques. Il envisagea le rapt, la fuite, la manière dont il survivrait en vendant ses toiles à l’étranger…
    Dès l’aube, il fut réveillé par les préparatifs de la chasse. Il essuya la buée de sa fenêtre. Le marquis, entouré de cinq ou six autres cavaliers, de quelques paysans et d’une meute de chiens, s’apprêtait à partir. Les montures piaffaient, claquaient nerveusement leurs sabots sur le sol, les paysans répondaient de leur voix rauque aux aboiements des chiens. Juché sur un bel alezan, raide comme à la parade, ses yeux gris-bleu dardant sous son feutre, Morlanges avait fière allure. Avant de donner le signal du départ, il regarda subrepticement dans la direction d’Antoine, puis tourna bride et s’en alla giboyer à la tête de sa troupe.

IV
    Le Toulousain rejoignit la grande salle du manoir où l’attendait Amélie. La journée était éclatante ; ils firent quelques pas dans la cour pendant que le valet de ferme sellait leurs chevaux. La jeune fille semblait soucieuse.
    — Je souffre de l’humiliation que vous avez subie hier, confia-t-elle à Antoine. Je hais mon père pour la manière dont il s’est comporté avec vous.
    — Ne dites pas cela. Il a été odieux, mais vous m’y aviez préparé, et puis, cette indifférence n’est sans doute qu’une façade. Ce matin, j’ai cru déceler dans son regard un soupçon de curiosité.
    — Vous y avez vu des choses que je n’ai point remarquées.
    — Je suis persuadé du contraire.
    Elle le fixa, intriguée.
    — Vous êtes généreux.
    — J’essaie seulement de comprendre.
    — Mon père sait très bien ce qu’il fait, croyez-moi.
    — Peut-être, mais il donne aussi l’impression de fuir ses sentiments.
    Amélie parut déconcertée. Elle appréciait la gentillesse d’Antoine, mais savait en même temps qu’il se fourvoyait.
    — Il ne faut pas entretenir de faux espoirs. Mon père est une anguille qui vous glissera entre les mains. Il peut aussi se montrer très blessant et parfois même cruel. Tenez, un jour, alors que j’avais quatorze ans, il a exigé que je l’accompagne à la chasse au renard. Il savait à quel point ce divertissement me répugnait. Et c’est bien pour cela qu’il a insisté. Il avait tout prévu. Je devais chevaucher à ses côtés pour ne rien manquer de la curée. Dès que mon cheval s’écartait, il le retenait par la bride. Lui qui ne s’était jamais soucié de mon existence ! Nous avons couru les bois pendant près d’une heure. La tension devenait de plus en plus vive. Les chiens, qui avaient flairé la présence de l’animal, semblaient enragés. Tout à coup, une jeune renarde est sortie d’un fourré. Elle était superbe avec ses yeux vifs, sa robe rousse et blanche, sa queue qu’elle agitait comme un panache. Les chiens l’ont poursuivie, rattrapée puis encerclée. J’ai alors croisé son regard terrorisé. Elle cherchait une issue de tous côtés. Les aboiements étaient assourdissants. J’aurais voulu m’enfouir sous terre, ne plus rien entendre. J’ai

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