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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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n’assistais à une journée aussi importante ?… Je serais d’ailleurs le premier à vous porter secours en cas de besoin… Mais ne parlons pas de malheur.
    — Je ne sais comment vous remercier…
    — Ne dites rien… Mon secrétaire, Chauvet, que vous connaissez, me remplacera. Le temps que j’ai consacré à la Nation me donne bien le droit de prendre quelques jours de congé.
    L’émotion d’Antoine était visible. Virlojeux examina les personnages de son tableau d’une manière qu’on sentait distraite.
    — Je reconnais bien là votre talent, dit-il sans réelle conviction.
    Antoine, qui ne s’était pas encore remis de sa surprise, le remercia machinalement.
    — Ah ! J’allais oublier, reprit le gazetier, j’ai là un petit cadeau pour vous de la part du comte de Neuville. Je me suis permis de lui parler de votre mariage. Il m’en a témoigné beaucoup de joie et m’a assuré qu’il s’intéressait de près à votre bonheur. Ouvrez donc. Je crois que vous comprendrez de quoi il retourne.
    Antoine s’exécuta. Après avoir déchiré le papier qui protégeait le paquet, il découvrit l’œuvre complète de William Shakespeare éditée dans une magnifique reliure de maroquin rouge. Il se souvint de l’aide que lui avait apporté Neuville quand, un an plus tôt, Gabrielle avait tenté pour la première fois de l’humilier. Antoine fut particulièrement touché par ce geste ; mais, de manière assez prévisible, il en fut plus redevable à Virlojeux qu’à Neuville lui-même, persuadé que l’attention de l’un avait entraîné la prodigalité de l’autre.
    — C’est le résultat de vos bienfaits, Gaspard.
    Virlojeux, qui le considérait d’un air patelin, ne fit rien pour le détromper.
    — Oublions ces bagatelles, je vous prie.
    Ils se quittèrent sans ménager leurs effusions, bien que le gazetier ne fût pas d’un tempérament démonstratif. Mais le caractère exceptionnel de l’événement l’engageait à modeler sa nature profonde.
    Antoine était satisfait ; il y avait cependant une personne dont la présence à son mariage lui paraissait plus importante encore que celle de Virlojeux, et cette personne c’était Mme d’Anville. Il avait contracté envers elle une dette immense. Éléonore l’avait soigné lorsqu’il était gravement malade et son intervention auprès de Gabrielle s’était révélée décisive. Pendant plusieurs semaines, Antoine essaya donc de la convaincre. Mme d’Anville tergiversait. Ses atermoiements ne trahissaient aucune coquetterie, mais, à l’instar du père d’Antoine, elle craignait de se trouver mal à l’aise dans un milieu qui n’était pas le sien et avec des gens qu’elle ne connaissait pas. Elle prétendait qu’elle ne pouvait pas abandonner un mari toujours absorbé par son négoce. Fort heureusement, Étienne d’Anville, qui ne se souciait guère d’aller en Vendée, pria sa femme de l’y représenter. Celle-ci hésita encore. En désespoir de cause, Antoine lui confia qu’il ressentirait cruellement l’absence de sa seconde mère le jour de son mariage. Face à un tel argument, Éléonore finit par céder.
     
    Ce fut donc sous les meilleurs auspices qu’Antoine emprunta pour la seconde fois la route de l’Ouest. Rien ne rappelait le voyage qu’il avait effectué cinq mois plus tôt. La douceur du printemps avait succédé aux frimas de l’hiver. Le soleil dorait les champs de blés et embrasait les tuiles rouges des villages. Tout semblait hospitalier et l’état d’esprit du peintre épousait à la perfection le renouveau de la nature. Le temps où il était ce jeune visiteur convalescent et inquiet relevait d’un autre âge. Il reconnut à peine la contrée qu’il avait traversée en janvier. La végétation, luxuriante, dominait l’espace, assiégeait les marais et les fondrières, investissait la moindre sinuosité du terrain, tapissait chaque colline et chaque ravin. Les haies avaient doublé de volume et les chemins creux s’étaient mués en galeries impénétrables.
    Antoine arriva à Morlanges juché sur un cheval et sans même se crotter l’habit. Au manoir, l’accueil fut assez cordial. Le marquis avait poli ses manières de hussard. Quant à son épouse, elle affichait ce sourire mécanique dont elle avait déjà régalé Antoine.
    Le Toulousain n’avait d’yeux que pour sa future femme. Il lui semblait redécouvrir son insolente beauté. Mais il dut rapidement se faire violence,

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