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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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trouvait alors dans la Manche. Ils montèrent à bord, tandis que l’un des marins repartait avec la barque en direction du rivage. Un plus grand nombre de passagers sur la petite embarcation eût été suspect. Le patron pêcheur les accueillit assez aimablement.
    — Si tout va bien, nous serons demain à Jersey, leur dit-il. J’espère que nous n’aurons pas la visite d’un garde-côte. Même si vous êtes déguisés en pêcheurs, vous ne ferez pas bien longtemps illusion.
    L’un des deux marins vint leur apporter une couverture dans laquelle ils s’enveloppèrent.
    Ils allaient être libres et ne parvenaient pas encore à y croire. Leur long cauchemar s’achevait. Serrés l’un contre l’autre, ils s’embrassèrent en pleurant de joie.

V
    Ils s’étaient endormis, accablés de fatigue, malgré le vent glacé, essayant de se tenir chaud l’un contre l’autre. La lumière du jour venait de les réveiller. Antoine se frotta les yeux. Ils étaient proches de la côte.
    — Sommes-nous déjà arrivés à Jersey, demanda-t-il au capitaine.
    — Oui-da, mon cher Monsieur.
    Alors qu’ils approchaient du rivage, Antoine aperçut un groupe de cavaliers.
    — Antoine ! cria soudain Amélie, ce sont des hussards français. Nous sommes tombés dans un piège.
    Antoine chercha machinalement son pistolet de la main, mais il ne put le trouver.
    — C’est ça que vous cherchez ? fit le capitaine en le braquant avec son arme.
    Ils étaient perdus. Pour la première fois, Antoine sentit la peur lui glacer les reins. Mais il était totalement impuissant.
    — Je vous donnerai beaucoup d’argent, dit-il au capitaine.
    Le pêcheur éclata de rire.
    — De l’argent ? Mais tout ce que tu avais, brigand, est déjà en ma possession.
    Antoine s’aperçut que les marins avaient fouillé ses poches pendant qu’il dormait. Il aurait dû veiller, mais ses forces l’avaient abandonné. Près de lui, sa femme oscillait entre l’abattement et la terreur.
    — Pardonne-moi, tout est de ma faute, lui dit-il.
    — Tu n’y es pour rien, répondit-elle d’une voix faible. Tu as tout tenté pour me sauver, mais il faut croire que la Providence en a décidé autrement. Nous aurons la consolation de mourir ensemble. Si tu savais comme je suis fatiguée !
    — Je le sais.
    Les marins les firent descendre sans ménagement dans la barque où le capitaine prit place avec l’un de ses hommes.
    Ils se rapprochèrent des cavaliers. Antoine tenta une dernière fois de les émouvoir.
    — Je vous en supplie, ma femme est grosse, ayez pitié de nous. Vous savez ce qui nous attend.
    — Bah ! Il fallait y penser avant de trahir la République avec ta foutue brigande. Et maintenant tais-toi ! Épargne ta salive pour le tribunal ! Enfin, si vous n’êtes pas sabrés sur la plage. C’est-ce que les hussards ont fait l’autre jour à une bande de gueux de votre espèce. Les bougres, ils puaient la mort à plus de cent toises 1 . Et puis, m’est avis qu’ils seront furieux de ne pas trouver d’argent sur vous.
    Antoine prit la main de sa femme. Elle était glacée.
    Les marins les jetèrent à l’eau, aux pieds de la demi-douzaine de hussards qui les attendaient.
    — Voilà les royalistes, comme convenu, lieutenant, dit le patron pêcheur. M’est avis que la prise est importante. Lui et sa femelle causent comme des ci-devant nobles. Peut-être un général !
    Des cavaliers avaient mis pied à terre pour attacher Antoine et Amélie à leurs chevaux. Pendant ce temps, le lieutenant les interrogea.
    — Ton nom, brigand, demanda-t-il à Antoine.
    — Antoine Loisel, je suis républicain.
    — Bien sûr, ironisa l’officier, et moi je suis général de l’armée brigantine.
    Ses hommes s’esclaffèrent.
    — Je vous assure, citoyen. Je suis membre de la garde nationale de Paris. Je me suis battu à la Bastille et à Valmy.
    — Un traître ! Ton châtiment n’en sera que plus exemplaire.
    Il se tourna vers l’un de ses hommes.
    — Fouille donc ce bonimenteur, ces bougres d’aristocrates ont souvent sur eux des portefeuilles bien garnis.
    — Y a rien, mon lieutenant, ni sur la brigande.
    — Vos amis, les pêcheurs ont tout pris, fit Antoine.
    — On n’a qu’à les égorger ici pour leur apprendre à se moquer du monde, fit le premier cavalier.
    — Attends donc, dit un autre. Elle est bien belle cette putain. On pourrait la fourrer sur la plage. Au moins, on serait pas venus pour rien. On les

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