Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
Vom Netzwerk:
laver et s’étendre sur un lit. La lumière d’une minuscule chandelle vacillait près du lit. C’est alors qu’une idée terrible germa dans l’esprit d’Antoine.
    1 - Autre nom de l’armée catholique et royale.

IV
    Il l’accompagnerait jusqu’au bateau, mais ne partirait pas avec elle ; dès qu’elle serait hors d’atteinte, il rejoindrait l’armée. Avec beaucoup de chance, il survivrait et la retrouverait après la guerre. Cette décision, prise dans la solitude d’une nuit de novembre, lui fit endurer un calvaire ; mais il était déterminé.
    Le lendemain, il se mit en quête d’un bateau. Avant l’attaque de Granville, il avait entendu un aubergiste d’Avranches se vanter de pouvoir faire passer du monde dans les îles anglo-normandes, à condition d’y mettre le prix. Antoine partit à sa recherche. Il ne trouva que la tenancière, une vraie mégère.
    — Monsieur Perrochon ?
    — Qu’est-ce que vous lui voulez ?
    — Je ne peux rien vous dire.
    — Alors, attendez donc là qu’il revienne !
    Antoine regarda autour de lui. L’endroit était un bouge où de vieux morutiers s’enivraient avec quelques déserteurs de la marine. Au bout d’une demi-heure, il reconnut de loin la silhouette de Perrochon, puis ses grandes moustaches qui ornaient son visage sévère. Il avait les cheveux blonds bouclés, la face carrée, assez dure, et l’expression toujours un peu méfiante. Le tenancier le fixa de ses yeux bleus délavés. Il ne semblait pas surpris de sa visite.
    — Suivez-moi dans l’arrière-salle, nous serons plus à l’aise pour causer.
    Ils entrèrent dans une petite pièce remplie de tonneaux de vin et de caques de harengs.
    — Pouvez-vous transporter une personne jusqu’à Jersey ?
    — Faut voir, c’est pour qui ?
    — Une femme.
    — La vôtre ?
    — La mienne.
    — Et vous ?
    — Je ne pars pas.
    — Comme vous voudrez. Faudra payer d’avance.
    — Qui me dit que je peux vous faire confiance ?
    — Personne. Mais c’est à prendre ou à laisser. Depuis votre échec à Granville, les choses ne vont pas très fort pour vous, les Vendéens. À votre place, je ne ferais pas le difficile. Enfin, si vous voulez sauver votre dame.
    L’aubergiste était apparemment une canaille. Mais Antoine n’avait guère le choix.
    Qui nous accompagnera ?
    — Un de mes employés.
    — J’accepte à condition que vous veniez aussi. Je vous préviens, je ne vous quitterai pas des yeux ; si vous nous trahissez, je vous brûlerai la cervelle avant d’être arrêté.
    Le regard déterminé d’Antoine n’eut pas l’air d’impressionner le gargotier.
    — Eh ! Mais je ne crains rien, mon bon Monsieur ; votre femme arrivera à Jersey, foi de Perrochon !
    — Cela vaut mieux pour tout le monde. Une dernière chose encore. Je vous donnerai vingt louis d’or et en ajouterai trente autres si ma femme parvient à destination.
    Les yeux du coquin brillèrent de convoitise.
    — Hem, parfait, mais comment saurez-vous qu’elle est arrivée ?
    — Nous avons convenu d’un message particulier qu’elle transmettra au pêcheur et que celui-ci me délivrera une fois de retour en Normandie. Si je ne reçois pas ce message, non seulement vous n’aurez pas l’argent mais je m’occuperai de vous personnellement… Ah oui, encore un détail, par sécurité je n’emporterai pas cette somme sur moi.
    — Ah ! Voilà les gens ! On les aide et ils se défient, ils vous menacent…
    — Une précaution bien naturelle pour des fugitifs… Et maintenant, comment procéder ?
    — Le pêcheur quittera la côte cette nuit même. Rejoignez-moi ici avec votre dame et nous nous rendrons ensemble sur le rivage.
    Le Toulousain acquiesça et partit retrouver Amélie.
     
    Pendant le trajet, il ne cessa de repenser à la conversation qu’il venait d’avoir avec l’aubergiste. Peut-être faisait-il courir trop de risques à sa femme… Quelque chose l’encourageait pourtant. L’appât du gain de Perrochon était finalement un avantage. Une telle canaille agissait uniquement par intérêt et n’avait sans doute pas de croyances très solidement ancrées. Le plus dangereux, ce n’était pas l’individu sans scrupule, mais l’idéaliste, le fanatique ou, tout simplement, l’homme de conviction.
    Avant de retrouver Amélie, Antoine confia son projet à Laheu. Il voulait le mettre dans la confidence, par amitié et aussi parce que son terrible secret lui semblerait moins

Weitere Kostenlose Bücher