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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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et coiffé de son bicorne noir. Il avait adressé un salut et un sourire un peu forcé au petit groupe de curieux qui l’observait avec excitation. Comment croire que, douze ans plus tôt, au même endroit, quelques têtes décapitées saluaient la foule de leurs grimaces lugubres ?
    Dans ses conversations mondaines, il y avait toutefois des sujets qu’Antoine ne pouvait aborder et des personnages dont il fuyait la présence. La seule vue d’un uniforme de hussard lui donnait la nausée, même si les hommes qui le portaient n’avaient rien à voir avec la grande boucherie de l’an II. Il redoutait par ailleurs que le mot de Vendée n’apparût fortuitement dans la conversation. Il se souvenait du jour où l’un de ses visiteurs s’était vanté d’avoir participé au massacre des brigands . Incapable de se contenir, Antoine avait aussitôt quitté la table ; il n’y avait point reparu, laissant sa femme débrouiller les choses. Ces proches savaient que certains sujets ne devaient pas être abordés. Seuls quelques rares intimes connaissaient d’ailleurs son passé. La Vendée restait synonyme d’obscurantisme et de trahison. Même les imprimeurs de Cholet évitaient de marquer le nom maudit de leur ville sur les livres sortis des presses. Les ombres planaient toujours sur la vie d’Antoine comme elles continuaient de planer sur la France.
     
    Ils allaient passer à table quand le majordome s’approcha discrètement de la maîtresse de maison.
    — La sœur et les parents de Madame viennent d’arriver.
    Apolline partit aussitôt les accueillir à l’extérieur de l’hôtel. Elle les embrassa et les fit entrer. Mais elle aperçut soudain un homme étrange qui venait de sortir d’un fiacre et se dirigeait vers elle. Il était vêtu trop modestement pour être de la noce ; son chapeau était râpé, son habit élimé. Le haut-de-forme, l’habit, tout, sauf la chemise, était d’une teinte sombre, un peu sinistre. L’inconnu avait les joues creuses, les pommettes saillantes, le front fuyant sous son feutre.
    Il aborda Apolline, en se découvrant de manière rituelle.
    — Madame Loisel ?
    — Oui, répondit-elle, interloquée.
    — Puis-je vous parler en particulier ?
    — Laissez-nous un instant, fit Apolline aux domestiques.
    — Commissaire Paul Daubier, de la Sûreté. Je dois m’entretenir avec votre mari en privé d’une affaire de la plus haute importance.
    Apolline eut un mouvement d’inquiétude.
    — Il est occupé, comme vous pouvez le constater, Monsieur le commissaire, il reçoit aujourd’hui.
    L’homme resta impassible. L’expression était calme, le regard froid.
    — Je m’efforcerai de ne pas être long, Madame, mais je dois lui parler. L’affaire est urgente.
    Le ton ne souffrait aucune résistance. La maîtresse de maison n’insista pas. Elle fit entrer Daubier dans l’hôtel. Le commissaire déclina d’un geste l’invitation des domestiques visant à le débarrasser de son chapeau et de sa canne, puis Apolline alla chercher Antoine.
    — Que puis-je faire pour vous, commissaire ?
    Daubier jeta un coup d’œil gêné en direction d’Apolline.
    — Pouvez-vous nous laisser, ma chère, s’il vous plaît ? lui demanda Antoine.
    Elle céda avec regret. Le policier se retourna alors vers le peintre.
    — Connaissez-vous un certain vicomte de Mercœur ?
    Antoine réfléchit quelques secondes.
    — Je regrette, je ne connais personne de ce nom.
    — Et Virlojeux ?
    Loisel resta figé.
    — Oui… en effet, bredouilla-t-il sous l’effet de la surprise…
    — Y a-t-il un endroit discret où nous pouvons parler ?
    — Venez, montons dans mon bureau, répondit Antoine en indiquant l’escalier.
    Ils montèrent sous le regard attentif d’Apolline.
    1 - L’attentat de la rue Nicaise ou conspiration de la machine infernale, survenu le 24 décembre 1800, est le fruit d’un complot royaliste visant à assassiner Bonaparte, alors Premier Consul. L’explosion fit 22 morts et une centaine de blessés.

II
    Antoine s’empressa de fermer la porte derrière lui.
    — Je vous en prie installez-vous, commissaire. Je vous écoute. Que savez-vous sur Virlojeux ?
    — Tout doux, Monsieur, cet écheveau est très embrouillé ; il faut en tirer le premier fil si nous voulons le démêler tout entier… Avant de commencer, je vous demande de conserver le plus grand secret sur ce que je vais vous révéler, il en va de la sûreté nationale…
    Le Toulousain

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