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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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sèchement.
     
    — Florent
Saint-Onge, monsieur le curé. Pour vous servir, ajouta-t-il sur un ton plaisant
qui fit sourire ses deux confrères. Je suis ici depuis 1930. Je suis, comme qui
dirait, le bébé de la maison.
     
    — Ne craignez
rien, monsieur, je vais sûrement vous aider à vieillir rapidement, le prévint
Anselme Crevier sur un ton cinglant.
     
    Cette réplique
fit instantanément disparaître le sourire des vicaires assis autour de la
table.
     
    — Et vous,
monsieur ? demanda le curé en s'adressant à un prêtre âgé d'une trentaine
d'années au tour de taille extraordinaire.
     
    — Raymond Léger,
monsieur le curé.
     
    — Pas si léger
que ça, dit l'abbé Saint-Onge à mi-voix.
     
    Cette remarque
lui attira un regard courroucé de son supérieur.
     
    — J'ai été nommé
à cette paroisse en 1926, conclut l'abbé Léger, dans une vaine tentative pour
détourner l'attention que son nouveau supérieur accordait à son jeune collègue.
     
    — Bon. Mangeons,
ordonna le curé Crevier.
     
    On le laissa
d'abord se servir avant de faire circuler les plats autour de la table. Quand
ceux-ci parvinrent entre les mains de l'abbé Léger, à l'autre bout de la table,
il se contenta de vider le reliquat de chacun dans son assiette. Le repas se
prit dans un silence contraint. Anselme Crevier ne cessait de jeter des coups
d'œil désapprobateurs à l'abbé Léger qui enfournait une énorme quantité de
nourriture à une vitesse absolument stupéfiante. Il s'en inquiéta tellement
qu'il finit par lui dire :
     
    — Mangez plus
lentement, l'abbé. Vous allez finir par vous étouffer à dévorer aussi vite.
Ayez pas peur, personne va venir vous voler ce que vous avez dans votre
assiette.
     
    Rouge de
confusion, l'autre fit un effort louable pour ralentir son rythme alors que ses
confrères, le nez dans leur assiette, osaient à peine bouger de peur d'être
pris en faute à leur tour.
     
    — Mais il est ben
bête, ce curé-là, ne put s'empêcher de murmurer Laurette en tordant sa
serpillière au-dessus de son seau. C'est pas le curé Monette qui aurait dit une
affaire comme ça.
     
    Après le dessert,
le curé intima à ses subordonnés de le suivre en apportant leur tasse de thé.
Dès que les vicaires se furent assis autour de la table, dans la salle de
réunion voisine de son bureau, Anselme Crevier ne perdit pas de temps en
préambules inutiles.
     
    — Bon.
L'archevêché m'a envoyé ici pour remettre un peu d'ordre dans l'administration
de la paroisse. Je n'ai pas encore vu les chiffres, mais il semble que les
revenus ont baissé plus que de moitié depuis deux ans.
     
    — C'est la crise,
monsieur le curé, lui fit poliment remarquer Joseph Claveau.
Saint-Vincent-de-Paul est une paroisse très pauvre et...
     
    — Je sais tout
ça, l'abbé, le coupa son supérieur. La crise frappe partout et l'archevêché a
comparé les recettes de notre paroisse avec celles des paroisses environnantes
qui sont pas plus riches. C'est catastrophique. Je suis ici pour y mettre bon
ordre.
     
    Les vicaires
présents poussèrent presque à l'unisson un soupir un peu exaspéré.
     
    — Je m'arrêterai
pas seulement à ça. Le bon curé Monette avait pris de l'âge et, il me semble
qu'il vous a laissé prendre quelques mauvais plis regrettables.
     
    Surpris, les
prêtres se regardèrent.
     
    — Est-ce qu'on
peut savoir lesquels, monsieur le curé ? risqua Florent Saint-Onge, l'air un
peu frondeur.
     
    — Oui, monsieur.
Entre autres, le fait de pas être présents à l'heure aux repas, de laisser
traîner vos objets personnels dans le salon et de faire jouer une radio à
tue-tête dans un lieu où devrait régner un certain climat de recueillement, par
exemple. Je vous dis tout de suite que ça va changer.
     
    — Est-ce que ça
va ressembler à la Trappe d'Oka ? osa demander le jeune vicaire, frôlant
l'impertinence.
     
    — Peut-être pas,
mais si ça vous paraît trop difficile, je suis prêt à appuyer votre demande de
changement de ministère à l'archevêché. On vous trouvera sûrement une autre
paroisse pour vous accueillir.
     
    Cette menace à
peine déguisée eut le don de faire taire l'impudent. Le curé décrivit alors
précisément ce que serait dorénavant la tâche de chacun et annonça du même
souffle qu'il inaugurerait sa nouvelle cure par une visite paroissiale qui
débuterait dès la semaine suivante.
     
    Au moment où les
vicaires s'apprêtaient à prendre congé, le curé

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