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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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débarrassèrent des brodequins
et le délièrent de sa chaise. Casimir sortit d’un étui de cuir ouvragé une
paire de grands ciseaux en argent aux bouts arrondis et entreprit de lui couper
les cheveux sur la nuque et son col de chemise bariolé qu’Hippolyte empocha.
    Comme il ne pouvait pas marcher, ils
le soulevèrent et le portèrent jusqu’à la guillotine où ils le plaquèrent sans
ménagements sur une planche qui bascula en avant. Zek raidit sa nuque, arqua
son dos. Le couperet chuta, sa tête tomba dans le baquet de bronze aux armes
des Pibrac.
    — Tu vois, Casimir, ça ne nous
les rendra pas pour autant, mais au moins, ça soulage un peu.
    Zek fut enfoui dans le parc en guise
d’engrais au pied d’un jeune chêne.
    — Comme ça, une fois dans sa
vie, il se rendra utile, dit Hippolyte en épitaphe.
    La mécanique fut démontée, nettoyée
et rangée à nouveau dans la remise. Casimir lava les pavés à coups de grands
seaux d’eau, Hippolyte alla s’attabler dans son bureau, ouvrit le livre de
famille qu’il tenait scrupuleusement à jour depuis l’âge de quatorze ans et fit
le minutieux compte rendu de ce mémorable 22 mai 1901.
     
    *
     
    Grâce aux informations fournies par
le sieur Pibrac, les gendarmes débusquèrent quelques jours plus tard la bande
de Thomas au repos dans les ruines du moulin de Roquelaure où ils s’étaient
repliés après avoir constaté la disparition du gitan d’Estrémadure.
    Après vingt minutes d’une féroce
bataille rangée, les chauffeurs se rendirent, à court de munitions. Ducasse et
Kénavo étaient morts, Marius légèrement blessé à la cuisse, Guez, Raflette et
Thomas n’avaient rien.
    Apprenant par les journaux locaux
que l’une des plus anciennes familles de bourreaux était mêlée à l’affaire,
plusieurs journalistes de la capitale se résolurent à entreprendre le pénible
voyage pour assister au procès. Jamais depuis l’affaire Fualdès,
quatre-vingt-trois ans plus tôt, le Rouergue n’avait bénéficié d’une telle
attention nationale.
    Très attendue, la déposition
d’Hippolyte, mais surtout sa conclusion créèrent des remous contradictoires. Se
tournant vers le box des accusés, le vieil homme braqua son index dans leur
direction et lança d’une voix rauque :
    — Tremblez, assassins, vous
êtes maudits ! J’ai prévenu Belzébuth, il vous attend en personne aux
portes de l’enfer !
    Thomas tomba à genoux et se cacha le
visage dans les mains. Toutes les femmes de la nombreuse assistance se
signèrent à l’unisson, quelques hommes les imitèrent. Les journalistes, eux,
jubilèrent. Après une telle réplique, la rentabilité de leur déplacement était
assurée. Personne ne remarqua Léon qui, accablé par la honte, s’éclipsa
discrètement du tribunal, le front, les joues et les oreilles écarlates.
    Ce fut pire le lendemain lorsqu’il
lut les journaux : « Scandale au tribunal », « La
malédiction du bourreau Pibrac », etc. Il scella son courtaud et galopa
jusqu’à l’oustal.
    — Vous auriez pu nous épargner
un tel scandale ! lança-t-il à son père en jetant les journaux sur la
table. Vous pensez sans doute que le préjugé n’est pas suffisant, il faut aussi
que nous devenions la risée du département et de la France entière.
    Il désigna les publications
parisiennes.
    Hippolyte et Casimir déplièrent les
journaux et les lurent, riant de bon cœur à certains passages, s’échangeant les
pages, se moquant des croquis d’audience qui illustraient les articles.
    — Tu as pourtant reçu la tradition, s’étonna Hippolyte. Que t’importe le qu’en-dira-t-on ? Il a toujours
existé et il existera toujours. Il ne te reste donc rien de tes exercices de
caparaçonnage ?
    Instaurés par Justinien Premier, ils
consistaient à s’accoutumer au préjugé sous toutes ses formes en l’étudiant de
très près, en apprenant à répliquer (vertement la plupart du temps) aux six
cents et quelques cas de figure répertoriés et régulièrement mis à jour par les
sept Justinien.
    — Ce que ces folliculaires
écrivent sur nous n’a aucune importance, ce n’est pas la première fois.
L’important, vois-tu, Léon, c’est qu’en maudissant ces vermines humaines, je
les ai terrorisées jusqu’à leur ultime seconde. Leur chef surtout. As-tu vu sa
tête ?… C’est ça, vois-tu, qui compte. Et ce n’est qu’un début…
    Léon se raidit.
    — Père, je vous en conjure. Ne
faites plus

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