Dissolution
de pierres sous l’endroit où le
mur a été réparé. Va en chercher une grosse pour casser la glace. »
Il soupira, mais, obéissant à mon regard sévère, il alla
quérir un gros bloc de pierre à chaux. Je me reculai quand il le souleva
au-dessus de sa tête et le lança au centre de l’étang. Il y eut un énorme
fracas, plutôt agréable cependant, même si je tressaillis au moment où un jet d’eau
et des éclats de glace jaillirent dans les airs. J’attendis que l’eau se calme,
puis, m’approchant prudemment du bord, je me mis de nouveau à quatre pattes
pour scruter le fond de l’étang. Les poissons dérangés nageaient frénétiquement
dans tous les sens.
« Oui, juste là… Tu l’aperçois ? Une lueur jaunâtre ?
— Oui. Il me semble, acquiesça Mark. Oui, il y a quelque
chose. Vous voulez que j’essaie de repêcher l’objet ? Si je prends votre
bâton et que vous agrippiez mon autre bras, en me penchant le plus possible je
peux l’atteindre. »
Je secouai la tête.
« Non. Je veux que tu entres dans l’eau. »
Il blêmit.
« Mais elle est presque gelée.
— Le meurtrier de Singleton y a peut-être aussi jeté ses
vêtements ensanglantés. Allez ! Il ne peut guère y avoir plus de deux ou
trois pieds de profondeur. Tu n’en mourras pas. »
L’espace d’un instant, je crus qu’il allait refuser, mais, serrant
les lèvres, il se pencha pour enlever son manteau, ses chausses, ses
protège-chaussures et finalement ses souliers. Ses très coûteuses chaussures de
cuir auraient mal supporté un bain. Frissonnant, il resta quelques instants sur
la berge, ses robustes jambes et ses pieds nus presque aussi blancs que la
neige. Puis il prit une profonde inspiration et entra dans l’étang, lâchant une
exclamation de surprise et suffoquant au contact de l’eau glaciale.
J’avais pensé qu’elle ne monterait pas plus haut que ses
cuisses, mais, après seulement deux pas, il s’enfonça jusqu’à la poitrine en
poussant un cri. D’énormes bulles d’un gaz fétide bouillonnèrent autour de lui.
L’odeur était si nauséabonde que je dus reculer d’un pas. Il s’immobilisa en
hoquetant tandis que la puanteur s’atténuait.
« Bigre ! Il y a un pied de boue, fit-il, le
souffle coupé.
— Oui. Bien sûr, les sédiments charriés par le ruisseau
tombent au fond. Vois-tu quelque chose ? Peux-tu atteindre le fond en te
penchant ? »
Il me lança un regard torve, puis se baissa en grognant, son
bras disparaissant dans l’eau. Il fouilla le fond.
« Oui… Il y a quelque chose… C’est pointu… » Son
bras refit surface. Sa main tenait une grande épée dont la poignée était en
métal doré. Mon cœur cogna dans ma poitrine au moment où il la jeta sur la rive.
« Bravo ! soufflai-je. Bon, y a-t-il encore autre
chose ? »
Il se repencha en avant, son épaule passant entièrement sous
la surface où se formaient des rides qui gagnaient lentement le pourtour glacé.
« Seigneur Dieu, qu’est-ce que c’est froid ! Attendez…
Oui, il y a quelque chose… C’est mou… Du tissu, il me semble.
— Les vêtements de l’assassin… », murmurai-je.
Tirant quelque chose, il se releva, avant de perdre l’équilibre
en criant, plongeant complètement dans l’eau, tandis qu’un autre corps
bondissait hors de l’étang. Médusé, je contemplai une forme humaine vêtue d’une
robe détrempée. Le haut du corps parut un instant rester suspendu dans l’air, les
cheveux tournoyant autour de la tête, et puis la créature s’affala dans les
roseaux.
La tête de Mark réapparut. Il hurlait de stupéfaction et de
terreur, battant l’eau en direction du bord. Il se hissa sur la berge et s’effondra
dans la neige, ses cris se changeant en halètements, les yeux lui sortant de la
tête, comme les miens, devant le cadavre gisant dans les roseaux. Un corps de
femme grisâtre, décomposé et vêtu des haillons d’une robe de servante. Les
orbites étaient vides, la bouche sans lèvres montrait des dents grises et
serrées. De maigres mèches de cheveux dégoulinaient sur son visage.
Mark se remit sur pied en chancelant. Il se signa à maintes
reprises tout en priant. « Deus salvamos, deus salvamos, mater Christi
salvamos… »
« Tout va bien, le rassurai-je d’une voix douce. Tout va
bien. » Je lui posai une main sur l’épaule. « Elle devait être sous
la vase. Les gaz se sont accumulés et tu les as libérés. Tu n’as rien
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