Dissolution
pas
laissé Goodhaps se rendre en ville tout seul. Je voulais aller jusqu’à l’étang
et ensuite j’avais l’intention de m’occuper du frère Edwig.
J’entendis un bruit de voix. J’ouvris la porte, le sourcil
froncé. Des murmures venaient de la cuisine. C’étaient les voix de Mark et d’Alice.
Je m’élançai dans le couloir.
La robe d’Alice, qu’elle venait de laver, était posée sur une
planche à récurer. Elle ne portait que ses jupons blancs ; elle et Mark
étaient dans les bras l’un de l’autre. Pourtant, ils ne souriaient pas. Le
visage d’Alice appuyé contre le cou de Mark était empreint de tristesse et l’expression
de celui-ci était également sérieuse, comme s’il ne l’étreignait pas mais la
consolait seulement. M’apercevant, ils sursautèrent et firent un bond de côté. Sous
les sous-vêtements, je vis le mouvement d’une belle poitrine ferme, les
mamelons durs pointant sous l’étoffe. Je détournai le regard.
« Mark Poer, dis-je d’un ton sec. Je t’avais demandé de
te dépêcher. Nous avons du travail. »
Il rougit.
« Veuillez m’excuser, monsieur…, je…
— Et vous, Alice, où est votre pudeur ?
— Je n’ai qu’une robe propre, monsieur. » Elle
parlait d’un ton de défi. « C’est le seul endroit où je peux la laver.
— Alors vous auriez dû fermer la porte à clef pour
empêcher qu’on n’entre. Viens, Mark ! » Je baissai la tête et il me
suivit dans le couloir.
Une fois dans la chambre je me plantai devant lui.
« Je t’avais dit de ne pas traîner là-bas. Tu as eu, à l’évidence,
des conversations plus approfondies avec elle que je ne le croyais…
— Ces tout derniers jours, nous avons conversé chaque
fois que c’était possible. » Il me fixa droit dans les yeux. « Je
savais que cela vous déplairait. Mais je ne peux lutter contre mes sentiments.
— Tu n’y as pas réussi non plus avec la demoiselle d’honneur
de la reine. Cela va-t-il se terminer de la même manière ? »
Son visage s’empourpra.
« C’est tout à fait différent cette fois-ci, rétorqua-t-il
avec vivacité. Mes sentiments pour M lle Fewterer sont nobles !
Je n’ai jamais ressenti cela pour aucune femme ! Vous pouvez vous moquer, mais
c’est vrai. Nous n’avons rien fait de mal. Nous n’avons pas été plus loin que
ce que vous avez vu : des baisers et des étreintes. Sa chute dans la neige
l’avait bouleversée.
— “M lle Fewterer” ! Tu oublies qu’Alice
n’est pas une demoiselle, mais une servante.
— Cela ne vous a pas empêché de la prendre dans vos bras
quand elle est tombée dans la neige. Je vous ai vu la regarder, monsieur. Vous
aussi vous l’admirez ! » Il fit un pas vers moi, le visage soudain
empreint de colère. « Vous êtes jaloux, voilà tout !
— Mordieu ! hurlai-je. J’ai été trop gentil avec
toi ! Je devrais te renvoyer sur-le-champ à Lichfield, toi et ta queue
insatiable, pour chercher un emploi de laboureur ! »
Il ne répliqua pas. Je me forçai à parler calmement.
« Tu me considères donc comme un pauvre infirme dévoré
de jalousie. Oui, Alice est une belle fille, je ne le nierai pas. Mais nous
sommes chargés d’une mission sérieuse. Que penserait lord Cromwell, s’il savait
que tu te divertis en folâtrant avec les servantes, hein ?
— Il n’y a pas que lord Cromwell dans la vie, marmonna-t-il.
— Vraiment ? Oserais-tu le lui dire en face ? Et
ce n’est pas tout. Qu’aimerais-tu faire ? Ramener Alice à Londres ? Tu
affirmes ne pas vouloir retourner aux Augmentations, mais ne vises-tu pas un
rang plus élevé que celui de domestique ?
— Si. » Il hésita, les yeux baissés.
« Eh bien ?
— J’ai pensé que vous me laisseriez vous servir d’assistant,
monsieur, de secrétaire. Je vous ai aidé dans votre travail. Vous avez dit que
vous étiez satisfait…
— Secrétaire ? répétai-je avec incrédulité. L’employé
à tout faire d’un avocat ? Tes ambitions se bornent à ça ?
— Ce n’est pas le bon moment pour faire cette demande, je
le sais, répondit-il d’un ton boudeur.
— Sangdieu ! Ce ne sera jamais le bon moment pour
faire ce genre de demande. Ton manque d’honnête ambition me ferait honte
vis-à-vis de ton père et lui aussi aurait honte de toi. Non, Mark, je refuse
que tu sois mon secrétaire. »
Il s’enflamma soudain.
« Pour quelqu’un qui parle sans cesse du bien-être
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