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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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huit heures à l’horloge de
l’abbaye. La marée ne sera haute que dans une demi-heure. Nous avons largement
le temps de traverser les marais.
    — Traverser les marais ? répétai-je, incrédule.
    — En effet, répondit Alice. Par la piste que je vous ai montrée.
L’embarcation attend dans l’estuaire.
    — Mais c’est impossible ! m’exclamai-je. Vous n’avez
pas vu le temps ? La neige a presque complètement fondu et les marais ne
seront plus qu’un marécage de boue liquide. J’ai emprunté le chenal cet
après-midi. J’ai vu l’état des lieux et les choses auront entre-temps empiré. La
neige fondue ruisselle des Downs. Et une brume épaisse est en train de se
former. Vous n’y parviendrez jamais ! Vous devez m’écouter !
    — Je connais très bien les passages, répliqua-t-elle. Je
peux me repérer facilement. » Mais elle ne semblait pas tout à fait sûre d’elle.
    « Mark, au nom du ciel, crois-moi, vous courez à la mort !
    — Elle connaît la route, dit-il après une courte
hésitation. Et la mort ne nous attend-elle pas ici ?
    — Qu’elle s’échappe toute seule ! Qu’elle parte
tout de suite et tente sa chance comme elle peut. Je ne dirai rien de ta
complicité, je le jure. Mordieu ! j’accepte de vous couvrir, je vous le
promets. Je vais risquer ma vie pour vous deux ! Mais n’entrez pas dans
les marais ! »
    Elle lui jeta un regard désespéré.
    « Mark, ne m’abandonne pas ! Je peux nous faire
traverser les marais.
    — Je vous le répète : c’est impossible ! Vous
n’avez pas vu dans quel état ils sont ! »
    Dans les affres de l’indécision, Mark nous regardait tour à
tour, elle et moi. Revoyant la scène, je me dis qu’il était très jeune alors, bien
jeune pour décider en quelques instants de son sort personnel et de celui de sa
compagne. Ses traits se durcirent et mon cœur se serra.
    « On doit vous attacher, maintenant, monsieur. Je vais
essayer de ne pas vous faire mal. Alice, où est ta chemise de nuit ? »
    Elle la tira de dessous son oreiller et Mark la découpa en
longues bandes avec son poignard.
    « Couchez-vous à plat ventre, monsieur.
    — Mark, par pitié… »
    Empoignant mon épaule, il me força à m’exécuter. Il m’attacha
fermement les bras dans le dos, puis les jambes, avant de me retourner.
    « Mark, ne va pas là-bas… »
    Ce furent les tout derniers mots que je lui dis, car il me
fourra dans la bouche un gros morceau de la chemise de nuit, manquant de m’étouffer.
Alice ouvrit la porte du petit placard et ils me poussèrent à l’intérieur. Il s’immobilisa
un instant, son regard braqué sur moi.
    « Attends une seconde. Son dos le fait souffrir. »
    Elle le regarda avec impatience prendre l’oreiller sur le lit
et le coincer derrière moi, pour soutenir mon dos pendant que je restais
accroupi dans le placard.
    « Désolé », chuchota-t-il. Puis il se détourna et
referma la porte du placard, m’abandonnant dans le noir. Quelques instants plus
tard j’entendis celle de la chambre se refermer doucement à son tour.
    J’avais envie de vomir, mais je savais qu’alors j’étoufferais
sûrement. Je me calai contre l’oreiller, respirant profondément par le nez. Alice
avait dit que le frère Guy ne la chercherait pas avant sept heures lorsqu’elle
n’apparaîtrait pas à l’infirmerie. J’avais onze heures à attendre.

32
    D eux
fois au cours de cette longue et froide nuit, je crus entendre des cris
lointains. On devait nous chercher, Mark et moi, ainsi qu’Edwig. J’avais dû
réussir à m’endormir car j’avais rêvé que Jérôme me regardait en jacassant
comme un dément, avant de me réveiller en sursaut dans la totale obscurité de
mon placard, les liens m’échauffant les poignets.
    J’étais réveillé depuis plusieurs heures quand j’entendis
enfin des pas dans la chambre. Je rassemblai assez d’énergie pour frapper la
porte de mes talons. Elle ne tarda pas à s’ouvrir. La lumière du jour me fit
grimacer et cligner des yeux. Le frère Guy me regardait, bouche bée. J’eus la pensée
saugrenue qu’à son âge il avait de la chance d’avoir gardé toutes ses dents.
    Il défit mes liens et m’aida à me remettre sur pied, me
conseillant de me déplacer lentement de peur qu’un mouvement brusque ne blesse
mon dos raidi. Il me conduisit à ma chambre, où je fus ravi de m’asseoir près d’un
feu, car j’étais gelé. Je lui racontai ce qui était arrivé, et

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