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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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Éminence doublé d’un fils de bourreau, mérite un petit traitement de faveur. On va t’écorcher vif, monami… Et quant à moi, dit Main-gauche en sortant un large couteau, pour finir la besogne en beauté, je vais tout bonnement t’arracher le cœur et les tripes.
    Les hommes se rapprochent.
    Ils sortent l’épée. L’un va brandir un pistolet d’arçon.
    — Pour le cœur, Lamortdieu, tu viens trop tard, il est déjà pris, dis-je en faisant jaillir ma rapière du fourreau.
    Je fonce dans le tas. Nos lames se heurtent. Je désarçonne un cavalier, j’en blesse un autre, je m’ouvre une brèche, je laisse Main-gauche sur sa faim et je pique des deux. La poursuite s’engage à travers bois. Une détonation rugit, une balle siffle à mes oreilles. La traque dure jusqu’à ce que l’on aboutisse à une impasse. Au bout du chemin, le vide.
    Je suis à nouveau cerné.
    Et cette fois, au regard de cette mauvaise volonté manifeste que je mets à me laisser prendre puis torturer, on se dit sans doute qu’il vaut mieux faire parler la poudre.
    De mon côté, il faut choisir, choisir entre une mort héroïque, l’épée à la main, et le saut de l’ange, autant dire être vaincu par la pierre plutôt que par les armes.
    Sans hésitation, j’opte pour la deuxième option. Je rassemble mes forces, mes éperons s’enfoncent jusqu’au vif… le saut est réussi de justesse.
    Du côté de Main-gauche, on se dit qu’il vaut mieux viser juste que de tenter de récidiver l’exploit, franchir la distance par la mitraille plutôt qu’à dos de cheval.
    À peine arrivé, je poursuis ma course. Mais la ligne ennemie fait feu. Je tombe de cheval et ma monture s’écroule à terre.
    Là-bas, on prend les choses du bon côté.
    Je n’ai pas été mis en pièces, soit, mais j’ai passé le pas, et tout bien pesé, c’est l’essentiel. Ils rentrent au bercail, annoncer au maître la bonne nouvelle.
    Ce soir encore, au repaire de Lanteaume, le vin coulera à flots.
    Rescapé, amnésique, prisonnier
    Hélas pour les uns, tant mieux pour les unes, je ne suis pas mort. Ces balles destinées au cavalier, le cheval les reçut à ma place. Le cheval s’écroula, je chus au sol. L’animal tomba mort,le fuyard demeura inanimé. En basculant vers la terre, mon crâne rencontra le relief tranchant d’une pierre. Assommé par le coup, je sortis quelques minutes plus tard de mon évanouissement sans avoir repris tout à fait connaissance. Je marchai difficilement, dans un brouillard, des taches devant les yeux, le sang coulant à mon visage. J’étais pris de vertige. Tout dansait autour de moi. Au bout d’un temps indéterminé d’une marche hésitante, cahotante, je tombai à nouveau au pied d’un arbre.
    À mon réveil, je me retrouvai dans un intérieur, celui d’un paysan. Au sol de la terre battue, au-dessus un toit d’ardoises crevé de brèches par lesquelles entrait la lumière du ciel.
    Ce Samaritain m’avait recueilli et amené chez lui.
    Le choc que j’avais reçu fut si violent en vérité, que je suis resté plus d’un jour victime d’amnésie. Les souvenirs, l’identité, la mémoire revinrent peu à peu.
    Quand j’eus enfin retrouvé mes esprits, je ne voulus pas perdre un instant de plus, espérant qu’il ne fût pas trop tard. Il fallait un cheval, j’avais perdu le mien dans la bataille. Le paysan en avait un. Je posai sur la table ce qu’il me restait d’argent à la ceinture, je remerciai l’homme pour les services rendus et je partis au galop vers Paris.
    La suite n’est pas difficile à imaginer.
    On me recherchait, on me trouva. Ce avant que je puisse vous rejoindre, chevalier. Eh oui, je reste, aux yeux du monde, aux yeux de la loi, un assassin. Le bruit pend l’homme . J’ai tué Edmond de Villefranche, je mérite les fers, je mérite la mort.
    Notre mascarade fut si bien arrangée, la somme promise pour ma capture s’élevait à des sommes si considérables que revenir à Paris revenait à se livrer prisonnier.
    Reconnu, dénoncé, vendu, je n’avais pas franchi les portes que je me retrouvai face à la maréchaussée, cavalière et piétonne.
    Pas de folie, monsieur , m’a-t-on dit en fermant ma route par tous côté, suivez-nous.
    Et voilà comment et pourquoi je fus conduit à la Bastille, comme un véritable ennemi public.
    Et c’est là, les chaînes aux mains, que j’ai croisé dans l’un de ces longs et sombres couloirs qui sont comme les intestins de ce

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