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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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et couronnée d’un diadème de diamants, prêté par l’abbaye de Saint-Denis
pour la cérémonie. L’évêque de Bayeux engagea la fillette à renoncer aux pompes
de ce monde et à faire vœu de chasteté. La prieure, la très noble M me  de Bourbon,
belle-sœur du feu roi Charles V, lui récita les règles de l’ordre et lui
demanda la promesse de s’y soumettre. Le sire d’Albret jura à chaque fois à sa
place, à voix haute, il ne réussit à obtenir de l’enfant que de vagues
hochements de tête. Marie, arrachée à ses berceuses et à ses nounous, ouvrait
des yeux ébahis sur tout ce monde qui l’entourait et ne comprenait pas un mot
de ce qu’on lui disait avec tant de gravité. Alors que les chants religieux s’élevaient,
d’Albret donna Marie à la prieure, qui la dépouilla de ses parures et la
revêtit de la robe et des voiles blancs des novices. Isabelle suffoquait de
chagrin, il lui semblait qu’on ensevelissait sa fille dans un linceul. Jean la
Grâce avait raison, elle sacrifiait son innocente enfant.
    Après ces épreuves, la reine s’alita, accablée par
une grande faiblesse. Et elle ne se mêla pas de l’absurde différend qui opposa
le roi et M me  de Bourbon.
    Outre la dot, la prieure garda les dépouilles de
la novice selon l’usage, y compris la couronne de Saint-Denis. L’abbaye porta l’affaire
devant le roi. Ladite couronne ayant été prêtée sur son ordre, Charles VI
dut la racheter six cents écus d’or, afin de la rendre.
    Pendant ce temps, la reine restait si affligée que
le duc d’Orléans ne la quittait plus. Il la consola avec une tendresse si
grande, qu’une éclaircie de sérénité vint embellir leur liaison. De cette
éclaircie naquit Jean, duc de Touraine, le 31 août 1398. Dès qu’elle
s’était doutée de sa grossesse, Isabelle s’était rapprochée de son époux et
avait partagé son lit sans déplaisir. Charles connaissait une si longue
rémission qu’il se croyait guéri, il était doux, charmant, aimant. Isabelle
pensa alors que le sacrifice de Marie n’avait pas été vain. Quand elle avertit
le souverain de cette nouvelle espérance, il en éprouva un tel bonheur qu’elle
n’eut plus aucun remords. Amour et devoir étaient réunis, la reine sans pouvoir
faisait à la France ce qu’elle devait, des petits Valois.
    *
    La fin de ce siècle connut de grands désastres. Le
Ciel, irrité par l’odieux schisme, déchaîna ses foudres sur le pays par des
ouragans, tempêtes et inondations extraordinaires. Au printemps 1399, les
fleuves débordèrent, la rivière de Seine, en crue, monta jusqu’à l’Hôtel
solennel des Grands Ébattements, endommagea l’île de la Cité et ses palais. Et
chacun crut à la fin du monde. Il y eut partout de terribles dégâts, les grains
pourrirent, entraînant la disette et le retour de la peste. Les gens mouraient
par milliers et, en juin, le fléau fut aux portes de Paris. Isabelle s’affola
et craignit pour ses enfants. La Normandie semblait être épargnée, elle y fit
envoyer des chevaucheurs et, pour en être certaine, elle exigea des curés un
certificat attestant que les paroisses étaient indemnes. Sur leur foi, elle fit
partir ses enfants et ses dames au château de Vernon. Elle-même rejoignit Charles VI
à Rouen où la Cour s’était réfugiée.
    Pendant ce fléau, Orléans était à Blois avec
Valentine et ses enfants. Il mena des tractations secrètes avec l’empereur du
Saint Empire romain germanique, Wenceslas l’ivrogne, afin d’acquérir le duché
du Luxembourg. Wenceslas avait de gros besoins d’argent, il avait déjà érigé la
seigneurie de Milan en duché pour remplir sa bourse. L’Ivrogne gagea le
Luxembourg au bénéfice du prince de France, contre cent mille ducats or et une
rente viagère de dix mille ducats.
    À la fin de l’année, la Cour était de retour à
Paris où l’épidémie était passée. Philippe le Hardi était alors dans sa
capitale de Dijon avec sa mesnie, c’est là qu’il apprit les menées de son neveu
d’Orléans. Il en eut un coup de sang tant sa colère fut grande. Le Luxembourg
était comme un coin enfoncé dans la continuité des États bourguignons jusqu’à
sa Flandre. À peine remis, il en appela au roi qui s’en désintéressa. Bourgogne,
ne pouvant compter que sur lui, travailla de toute sa puissance à faire
destituer l’empereur [78] .
    Le roi, qui recevait les doléances de tous, se
fatiguait de nouveau. Ce fut dans cet état

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