Eclose entre les lys
sainte Croix fut découverte plus de deux cents
ans après la Résurrection de Jésus-Christ par Hélène, mère de l’empereur
Constantin. Elle se rendit à Jérusalem, sur le Golgotha, aussitôt le mont
trembla et il se répandit une fumée d’aromates d’une admirable odeur.
Après avoir adressé des prières, les clous de la
sainte Croix apparurent brillants comme de l’or sur la terre. Alors Hélène fit
creuser le Golgotha. On y trouva trois croix enterrées. Quelle était celle de
Jésus-Christ et celles des larrons ?
Hélène fit déposer le corps d’un jeune homme mort
tour à tour sur les trois croix. À la troisième, il ressuscita, signe qu’elle
était celle du Christ.
Sainte Hélène ordonna que cette fête de l’invention
de la sainte Croix [18] fût célébrée chaque année solennellement.
D’après La Légende dorée , Jacques de Voragine
À la Sainte-Hélène, dix-huitième jour du mois d’août,
deux jours après la folle équipée de la forêt de Vincennes, le château de
Beauté-sur-Marne entra dans l’agitation des grands jours : la délégation
hongroise, arrivée dans la matinée, serait reçue solennellement dans la salle d’apparat
du château.
Le duc d’Orléans n’avait point été vu de ces deux
jours. On le disait blessé, et gardant la chambre. Il n’apparut, pâle, les
mâchoires serrées, son bras dextre bandé sur sa poitrine, que lors de cette
réception officielle, où il se devrait de répondre à la demande en mariage
magyare.
La reine s’y trouvait, présidant pour la première
fois en majesté sous le dais royal, sur le trône qui avait été celui de Charles V.
Elle portait couronne sur le léger voile rond qui recouvrait de sa blancheur
transparente ses lourdes nattes rassemblées sur la nuque dans une résille d’or.
Elle était entièrement vêtue d’or et de blancheur, jusqu’à la barbette qui lui
enserrait le visage, soulignant le pur ovale aux grâces encore enfantines.
La souveraine était entourée des représentants de
la famille royale : son jeune beau-frère Louis d’Orléans ; le duc
Jean de Berry ; Marguerite de Flandre, duchesse de Bourgogne ;
ainsi que certains membres du gouvernement du roi, comme Bureau de la Rivière,
ou le cardinal de Laon, vêtu de pourpre.
La cérémonie fut rapide, à l’image de la députation
magyare qui fit son entrée au pas de charge avec une vivacité martiale, comme s’ils
allaient prendre le trône d’assaut. Barbus et tête nue, le chaperon d’écarlate
posé sur l’épaule, ils n’usaient pas de cette allure compassée et lente qu’on
affecte à la cour de France lors des représentations solennelles.
Puis ce fut l’échange des saluts :
— Notre bien-aimée reine Élisabeth de Hongrie-Pologne
envoie par nos voix ses hommages à sa très chère sœur la reine de France, dit
avec force le représentant de la délégation hongroise.
— De même, sa très chère sœur la reine de
France donne pareils hommages à sa très chère sœur Élisabeth, reine de
Hongrie-Pologne, répondit clairement Isabelle, le visage impassible, qui avait
bien appris la leçon de Marguerite de Bourgogne.
Enfin, le délégué magyar fit sa demande au duc d’Orléans :
— Notre bien-aimée reine Élisabeth de
Hongrie-Pologne envoie par nos voix ses hommages à son bien-aimé fils, Louis, prince
de France, comte de Valois, seigneur d’Orléans, roi de Hongrie.
Tous regardaient le jeune duc, suspendus à sa
réponse. Il y eut un silence, le visage du prince était décomposé.
— Louis de France reçoit les hommages de la
reine Élisabeth, et lui rendra pareil hommage, en fils très respectueux, en mon
royaume de Hongrie, répondit-il enfin d’une voix atone.
En agréant le vocable « fils », Louis
venait d’accepter Marie et le trône de Hongrie. Il venait de choisir l’exil, fuyant
sa honte de chevalier d’honneur perdu, et ne reviendrait en France que protégé
par la gloire inaltérable de la couronne mythique de saint Étienne.
Le cardinal de Laon respira mais n’osa point
en remercier Dieu. Le simulacre d’attaque, dont il était l’instigateur, avait
diffamé le prince de France, mais avait aussi failli lui coûter la vie. L’un de
ses hommes de main avait été tué, et les deux autres n’avaient pas réapparu. Ceux-ci
se doutaient sans doute que le cardinal ne les laisserait pas vivre avec un tel
secret. Grassement payés, ils avaient préféré prendre le
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