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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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séparation m’a éreinté.
    — Tu n’auras plus à payer pour ta femme et ton fils, désormais.
    — Bien au contraire, cela me coûte dix fois plus. Elle a obtenu une séparation de corps. Cela me laisse toutes mes obligations de mari et de père, tout en rendant les choses plus compliquées. En réalité, la seule différence est que nous ne partageons plus le domicile conjugal.
    Dans la province de Québec, le divorce était très difficile à obtenir. Il fallait chaque fois une loi privée du Parlement fédéral. Et pour les plus tenaces qui choisissaient cette voie, l’ostracisme s’avérait certain. La séparation de corps faisait en quelque sorte office de divorce chez les catholiques. Si le lien du mariage demeurait intact, au moins les conjoints ne supportaient plus une cohabitation déprimante.
    — Mais Evelyne et ton fils sont chez ses parents, insista Eugénie.
    — Je dois tout de même pourvoir aux besoins de ma femme jusqu’à sa mort, et à ceux de mon garçon jusqu’à ses vingt-cinq ans.
    — Tu verses une annuité ?
    — Même pas. Ma belle-famille a convaincu le juge de mon manque de sens des responsabilités. En conséquence, j’ai dû lui constituer une rente. Tout le produit de la vente de la maison a dû y passer, de même qu’une partie des actions de mon portefeuille.
    En réalité, l’homme sortait de l’aventure endetté... et même pas tout à fait libre.
    — Tu as payé la maison de papa à Elisabeth, pour ensuite la perdre aux mains d’Evelyne.
    Eugénie appréciait toute l’ironie de la situation.
    — Tu ne pouvais pas te défendre ? questionna-t-elle.
    — Beau-papa a enfin obtenu le poste de juge tant convoité, le beau-frère est avocat, le mari de la belle-sœur aussi. En fait, toute la parenté des Paquet gagne sa vie vêtue d’une robe, dans un tribunal. J’aurais passé des années à enrichir un procureur, sans grande chance de gagner ma cause.
    La situation était plus simple. Au fil des ans, ses beaux-parents avaient entendu les lamentations de leur fille sur son mari débauché. En entamant les procédures, ces gens possédaient un nombre suffisant d’informations sur ses frasques pour faire rougir les habitants de la Haute-Ville les plus libres de mœurs. Même les confidences de sa secrétaire, Georgette, à une amie avaient trouvé leur chemin jusqu’à l’oreille de l’honorable juge Paquet. Dans ces circonstances, payer devenait la seule façon de réduire les dégâts.
    Eugénie hocha la tête pour signifier sa compréhension des événements. Ces rumeurs sur la vie de son aîné atteignaient aussi la demeure du notaire Dupire. Ses très rares relations estimaient
    nécessaire,
    ou
    même
    généreux,
    de
    la
    mettre au courant.
    — Mais tout à l’heure, demanda-t-il après un silence, tu as évoqué le désir d’en faire autant... Je veux dire, de te séparer aussi.
    — Je blaguais, tu le sais bien. Même si ton cuisinier est visiblement supérieur à Hortense, je n’oserais pas.
    Elle devinait que dans un tel scénario, elle hériterait d’un petit appartement, tandis que les enfants et leur père continueraient d’habiter la demeure familiale. Sa seule faute de jeunesse ferait froncer plus de sourcils dans les prétoires que les infidélités de son mari.
    — Avec Fernand, comment cela se passe-t-il ? commença l’homme.
    — Comme tu le devinais dès le départ, j’ai fait une sottise en l’épousant... Mais à bien y penser, je suppose que je le ferais encore. Restée vieille fille, je serais demeurée rue Scott avec Elisabeth quand papa est mort. D’un autre côté, en me mariant, je me suis retrouvée bien vite avec un homme qui préférait coucher avec la bonne.
    Si Edouard connaissait maintenant un peu les détails de la vie conjugale de sa sœur, elle avait concocté pour lui une version lui donnant le beau rôle. Bien sûr, les protagonistes de cet autre drame domestique lui étaient familiers : il savait bien faire la part des choses. Dès la naissance de Charles, chacun des Picard savait que Fernand n’approcherait plus jamais de la couche conjugale. Pour un homme dans la jeune trentaine, c’était un régime invivable.
    — Depuis le départ de Jeanne de votre demeure..
    commença-t-il.

    — Oh ! Je ne doute pas qu’il l’ait remplacée. Il a fait grise mine quelques mois, puis tout d’un coup, un sourire de contentement n’a plus quitté sa face. Il s’absente de la maison plusieurs fois par semaine pour se

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