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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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qui est tombée, murmura le croque-mort comme s'il réfléchissait à haute voix. Je vais envoyer quelqu'un cet après-midi. Vous avez une personne pour procéder à la toilette du corps ?
    La question laissa les deux hommes perplexes un moment.
    —    ... Gertrude, commença Thomas.
    —    Envoyez-nous quelqu'un, décréta Alfred.
    Il tenait à éviter à la domestique la responsabilité éprouvante de faire une dernière toilette à la morte. De toute façon, sa mère aurait sans doute préféré confier sa vieille carcasse à des mains anonymes, plutôt qu'à sa domestique des dernières années.
    —    Et en ce qui concerne le cercueil ? interrogea encore l'entrepreneur des pompes funèbres.
    —    Thomas, vas-y. Pendant ce temps, je me rendrai au presbytère pour régler les détails des funérailles. Ensuite, je prendrai un fiacre pour me rendre au cimetière, afin de faire creuser la fosse et ajouter la date du décès sur la pierre
    tombale.
    En réalité, le chef de rayon ne tenait pas à être sur les lieux au moment où des employés de chez Lépine viendraient vider la vieille femme de son sang et se livrer à quelques autres opérations dont il ne tenait absolument pas à connaître le détail.
    La maison de la rue Saint-Dominique se trouvait maintenant garnie de crêpes noirs autour de la porte et des fenêtres. Lors du décès de personnes éminentes, les entreprises funéraires poussaient parfois le zèle jusqu'à étendre de la paille dans la rue, afin d'atténuer le claquement sec des sabots des chevaux sur le pavé devant la demeure touchée par le deuil. Aucun des deux frères n'avait voulu consentir à pareille dépense pour une femme qui ne s'était jamais montrée particulièrement silencieuse au cours de ses soixante années d'existence.
    Alors que la venue prochaine de la mauvaise saison rendait plus rares les séjours dans la ville des compagnies itinérantes de divertissement, un décès inopiné procurait un peu de distraction dans des vies plutôt monotones. Aussi, à compter de sept heures, alertés par un bouche-à-oreille d'une redoutable efficacité, les voisins commencèrent à défiler dans la vieille demeure.
    Le corps de madame veuve Théodule Picard se trouvait placé dans un solide cercueil de chêne posé sur des tréteaux. Derrière, quelqu'un avait rangé contre le mur la grande croix qui se trouvait habituellement dans la chambre. Devant, quelques prie-Dieu permettaient aux plus dévots de dire une prière pour le repos de l'âme de la défunte. Des chaises, réparties dans toute la pièce, devaient faire en sorte que les personnes affligées de rotules sensibles se livrent au même exercice bien assises. Toutefois, les conversations murmurées dominaient les recueillements pieux.
    Pour réaliser ce petit aménagement, les employés de Lépine avaient commencé par désassembler le lit de la défunte pour le monter à l'étage, afin de faire de la place dans la chambre pour le petit canapé et les deux fauteuils habituellement placés dans le salon. Avec l'ajout de deux chaises, cette pièce servirait pendant quarante-huit heures de refuge aux membres de la famille éplorée.
    Parmi les premiers à défiler devant le cercueil, les enfants de Thomas firent belle figure. Eugénie s'agenouilla sur un prie-Dieu pour réfléchir à la fragilité de l'existence, Edouard demeura debout afin d'examiner le cadavre de ses yeux curieux.
    —    Grand-maman semble très malade, déclara-t-il bientôt à Elisabeth, faisant venir un sourire aux lèvres de tous les adultes présents.
    La préceptrice se contenta de lui caresser les cheveux, avant de le conduire dans la chambre attenante. Un peu plus tard, le vicaire Emile Buteau se présenta en compagnie de sa jeune sœur. Après avoir serré les mains des deux frères, ils se recueillirent longuement devant le corps. Marie semblait particulièrement affectée. En réalité, le décès de cette dame l'émouvait assez peu, mais la scène lui rappelait cruellement que, quelques mois plus tôt, à deux semaines d'intervalle, elle avait vu ses deux parents sur les planches.
    Afin de lui permettre de reprendre une contenance, Alfred lui demanda:
    —    Voulez-vous venir à côté un moment? Et bien sûr, vous
    aussi, Monsieur l'Abbé.
    Tous les employés du magasin Picard défilèrent dans la maison à un moment ou l'autre pour présenter leurs condoléances à leur employeur. Marie fut la seule parmi eux à avoir droit

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