Fausta Vaincue
le cadavre fit un mouvement… Guise n’était pas mort !… Il ouvrit les yeux, essaya de se soulever, poussa un gémissement et parvint à murmurer :
– A moi !… On me tue !…
Ces paroles furent entendues de l’antichambre. Et alors, les sept qui étaient là aux aguets se mirent à hurler :
– Tue ! Tue ! Achève !…
Et alors, une frénésie s’empara des trois spadassins. D’un même mouvement, ils se jetèrent sur le duc et le labourèrent de coups de poignard.
– Messieurs, messieurs… put encore bégayer le duc, qui d’un suprême effort essaya de se traîner.
Les trois se mirent à vociférer. Et la contagion de la frénésie gagna l’antichambre. La porte fut violemment ouverte. Loignes, Déseffrenat et les autres se ruèrent.
Alors, l’horreur emplit cette pièce. La haine accumulée, la rage des terreurs passées, la vue du sang déchaînèrent en ces hommes l’esprit des tigres qui s’acharnent sur la proie. Guise n’était plus qu’un cadavre. Et toujours ils frappaient…
Puis, ceux du salon, ceux de la chambre du roi accoururent. Ce fut une effroyable mêlée d’insultes, de hurlements, un bondissement de démons, une ruée fantastique sur le cadavre. Et tous avaient du sang aux mains et au visage. Ils le traînèrent dans l’antichambre.
Le roi sortit, le contempla un instant, et murmura :
– Comme il est grand !… Mort, il paraît plus grand que lorsqu’il vivait…
Puis, Henri III eut un sourire qui tordit ses lèvres pâles. Brusquement, il posa son pied sur la tête du cadavre et dit :
– Maintenant, je suis seul roi de France !…
Il y avait seize ans, dit un historien avec une sorte de sombre et vengeresse mélancolie, il y avait seize ans, le duc de Guise avait, lui aussi, posé son pied sur la tête sanglante d’un cadavre…
Cependant, des cris, des hurlements éclataient partout dans le château. Le bruit de la mort du duc se répandait en quelques instants. Les guisards, frappés de terreur, affolés par ce coup imprévu, attaqués par les gens du roi, fuyaient de toutes parts. Des troupes s’élançaient pour saisir le duc de Mayenne, le cardinal de Guise, le vieux cardinal de Bourbon et les principaux de la Ligue. Le tocsin se mit à sonner. En quelques minutes, la ville fut pleine de tumulte, de coups d’arquebuse, de plaintes et d’imprécations. On vit passer des bandes affolées de ligueurs qui fuyaient vers les portes…
Et Catherine de Médicis râlait dans son lit, agonisante, comme si elle n’eût attendu que ce dernier coup de son effroyable génie pour mourir…
Pardaillan, avons-nous dit, avait remonté l’escalier. Sans se soucier du tumulte qui se déchaînait dans le château, il montait sans hâte, et bientôt il parvint à la chambre que grâce à la recommandation du brave Crillon, Ruggieri lui avait donnée dans son propre appartement. Tout droit, sans s’arrêter, il alla à la porte qui faisait communiquer cette chambre avec la pièce voisine.
Cette porte était condamnée lorsque Pardaillan avait pris possession de la chambre. Mais sans doute était-il parvenu à l’ouvrir, car il n’eut qu’à la pousser du pied, et il passa dans la pièce voisine. Là, sur le lit, un homme était étendu, bâillonné, garrotté, dans l’impossibilité de faire un mouvement. C’était Maurevert.
Pardaillan délia les jambes d’abord, puis les bras de Maurevert. Puis il lui retira son bâillon. Pâle comme la mort, Maurevert ne bougeait pas.
– Levez-vous, dit Pardaillan.
Maurevert obéit. Il tremblait de tous ses membres. Pardaillan était étrangement calme. Mais sa voix frémissait, et un frisson, par moments, passait sur son visage. Il tira son poignard et le montra à Maurevert.
– Grâce ! dit celui-ci d’une voix si faible qu’à peine on l’entendait.
– Donnez-moi le bras, dit Pardaillan.
Et comme Maurevert, dans le vertige de l’épouvante, ne bougeait pas, il lui prit le bras et le mit sous son bras gauche. De la main droite, il tenait son poignard sous son manteau qu’il venait de jeter sur ses épaules.
– Là, dit-il alors. Maintenant, suivez-moi. Et pas un mot, pas un geste ! C’est dans votre intérêt.
Et il lui montra la pointe de sa dague. Maurevert fit signe qu’il obéirait. Pardaillan se mit en marche, traînant Maurevert, le serrant contre lui et le soutenant comme un ami bien cher.
Il se mit à descendre, mais cette fois par le grand escalier. Le château était
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