Favorites et dames de coeur
qualifiait de « vieux barbon ». Elle ne put empêcher que son fils fut élevé à Saint-Germain-en-Laye avec le dauphin Louis et les autres enfants du roi, qu’elle prétendait tous « bâtards ». Le mot arriva aux oreilles de la reine qui, éclatant de colère, somma le roi de chasser sa « poutane ». Henriette brûlait de se venger d’Henri, car il n’avait pas respecté, selon elle, sa promesse de mariage ; elle incita donc son demi-frère Charles de Valois à se joindre à la conspiration de Biron (1602).
« La pimbêche et rusée femelle 79 »
Seule favorite à comploter contre son royal amant, précisément parce qu’elle ne l’aimait pas, Henriette savait nouer les fils d’une intrigue. Plusieurs compagnons du roi s’estimaient mal récompensés de leurs efforts, tels le duc de Bouillon, le maréchal de Biron et le duc d'Épernon ; ils reçurent l’appui de l’Espagne et de la Savoie. Charles de Valois entra dans le complot, mais les révélations d’un agent double décidèrent le roi à agir. Bouillon et Épernon se désolidarisèrent prudemment des conspirateurs, Biron et Charles de Valois ne se méfièrent pas. Arrêté, jugé, Biron fut condamné à mort et décapité (31 juillet 1602), tandis que, par égard pour sa favorite, Henri pardonnait à Charles. Geste de faiblesse, que l’avenir démontra.
L’agitation reprit au début 1604. Estimant que son fils Gaston-Henri, légitimé en 1603, était le vrai dauphin, Henriette renoua avec le roi Philippe III d’Espagne ; il lui promit de proclamer son fils héritier du trône de France au détriment du dauphin Louis en cas de décès d’Henri IV, dont la santé laissait à désirer ; il n’y aurait plus qu’à demander au pape l’annulation du mariage avec Marie de Médicis, au nom de l’extravagante promesse d’octobre 1599 ! La belle marquise se berçait d’illusions, mais était soutenue par les anciens amis de feu Biron. Les étranges humeurs d’Henriette et sa retraite à Verneuil intriguèrent le roi ; l’arrestation opportune et les aveux de certains comparses attirèrent les soupçons sur la favorite, sur son père et sur son demi-frère. Par amour pour la marquise, Henri IV feignit de croire à la seule culpabilité espagnole, mais exigea la restitution du fameux billet de l’automne 1599 (juin 1604) : trop heureux de s’en tirer à si bon compte quand il y allait de sa tête, François d’Entragues obéit. Seul Charles de Valois ne prit pas l’avertissement au sérieux et poursuivit ses menées factieuses. Lassé, le roi se résolut enfin à sévir et fit arrêter les Entragues (novembre-décembre). Traduits devant le parlement de Paris sous l’inculpation de haute trahison, le père et le demi-frère de la favorite furent jugés et condamnés à mort (février 1605) ; Henriette reçut l’ordre de se retirer dans un monastère tourangeau. La soumission du duc de Bouillon, l’année suivante, mit un terme à cette série de complots (avril 1606).
Le pardon royal
Vaincue, la favorite adressa une lettre fort tendre au roi, qui lui permit de quitter son monastère à condition de se retirer à Verneuil. Henri IV poussa l’indulgence jusqu’à gracier son père, l’assigner à résidence, et commuer la peine de Charles en détention perpétuelle (août 1605). Puis, « [se] souvenant de l’amitié [qu’il] lui [avait] portée et des enfants [qu’il avait] eu d’elle », il pardonna à Henriette (septembre). Elle fut autorisée à revenir à la cour dès 1606, mais le roi dut l’en chasser définitivement deux années plus tard : elle suscitait des querelles hargneuses, éprouvantes, qu’il devait arbitrer. Séjournant dès lors entre Verneuil et Paris, l’ex-favorite voulut se faire épouser par le duc de Guise, et n’y parvint pas (1608). Proche de la reine, qu’il avait suivie depuis l’Italie, l’intrigant ménage Concini créa alors la surprise : il réconcilia Henriette de Verneuil avec Marie de Médicis. Sans doute parce qu’elles ne se voyaient plus chaque jour, les deux femmes vécurent désormais en bonne intelligence. Henriette espérait probablement son rappel à la cour, après avoir donné aux yeux de tous un tel gage de bonne volonté mais, lassé, le roi ne lui accorda point cette joie.
Henri IV fut assassiné le 14 mai 1610 et la marquise de Verneuil ne témoigna d’aucune affliction particulière à l’occasion de cette tragédie. Une demoiselle
Weitere Kostenlose Bücher