Fiora et le Téméraire
de
refuser. Et je serai loyale.
Elle
pensait chacun des mots qu’elle prononçait parce que, tout à coup, elle se
sentait en confiance. Peut-être parce que le roi, en abandonnant provisoirement
le pluriel de majesté, lui paraissait soudain plus proche et plus humain. Il
hocha la tête et sourit d’un vrai sourire qui lui ôtait des années et qui,
comme toute chose rare, avait beaucoup de charme.
– J’en
suis certain. Il suffit pour s’en convaincre de regarder vos yeux... En outre,
il serait bon que vous sachiez ceci : Philippe de Selongey est
actuellement mon prisonnier... et... en grand danger d’être exécuté. Vous le
voyez, je peux déjà vous offrir la moitié de votre vengeance...
Assommée
et l’œil agrandi d’épouvante, Fiora parvint péniblement à articuler : -Mais...
pourquoi ? Qu’a-t-il fait ?
– Il
a tenté de me tuer. Les magistrats appellent cela un régicide et si on lui
applique la loi, le favori du Téméraire sera mis en quatre quartiers. Mais nous
reparlerons de tout cela à loisir n’est-ce pas ? Que Dieu vous ait en sa
sainte garde, donna Fiora !
Tournant
brusquement le dos à la jeune femme éperdue, Louis XI s’éloigna vers le logis
abbatial. Autour de lui, les grands lévriers blancs, las d’une trop longue
sagesse, sautaient pour saisir les friandises qu’il élevait à bout de bras.
Fiora sentit une immense lassitude. Elle eut envie de s’écrouler là, dans ce
moelleux tapis d’herbe, d’y pleurer, d’y dormir... Mais une main solide saisit
son bras au moment où ses genoux commençaient à plier :
– Venez,
donna Fiora ! Je vais vous conduire auprès de votre ami. Il n’est pas loin :
trois quarts de lieue au plus...
Sans
rien objecter, Fiora se laissa emmener. Le coup qu’elle venait de recevoir
était si rude qu’il lui ôtait jusqu’à la faculté de penser. L’idée de retrouver
Démétrios était la seule qui surnageât. Elle s’y raccrocha comme à une
branche...
Le
château de Senlis était petit, du moins pour un château royal mais, en
revanche, l’auberge des Trois Pots, sa voisine, était grande et d’agréable
habitation. Le roi, quand il était à Senlis, y logeait volontiers ses invités
de marque et, tout naturellement, Démétrios y avait été installé, le séjour
dans une abbaye ne lui étant pas agréable, ni permis à un orthodoxe. Il l’avait
déclaré franchement à Louis XI qui bien qu’étant lui-même d’une extrême piété
pouvait comprendre les raisons d’un homme de la valeur du médecin grec.
Esteban
était parti en éclaireur tandis que Fiora s’entretenait avec le roi, pour
annoncer l’arrivée de la jeune femme et celle-ci en entrant dans l’auberge
trouva une agréable chambre toute préparée pour la recevoir. Elle en fut
touchée mais c’est l’accueil de Démétrios qui l’émut le plus. Pour la première
fois depuis qu’ils se connaissaient, il l’embrassa. En la voyant venir vers lui
avec un visage pâle et bouleversé, il avait compris que c’était de ce geste-là
dont elle avait besoin puisqu’elle était momentanément privée du refuge que
représentait Léonarde. Mais, quand elle éclata en sanglots dans ses bras, il s’inquiéta :
– Que
t’est-il arrivé ? Le roi t’aurait-il mal reçue ? Son regard cherchait
celui de Commynes, témoin de la scène et qui écarta les bras en haussant les
épaules pour traduire son ignorance :
– Donna
Fiora n’a pas dit un mot depuis que nous avons quitté la Victoire. Néanmoins,
il semble bien que notre sire l’ait reçue avec faveur. Et moi, je ne souhaite
que l’aider et si je peux quelque chose, je suis tout disposé à me conduire en
ami véritable si l’on veut bien m’accepter...
Fiora
s’écarta, prit le mouchoir que lui offrait Démétrios, essuya ses yeux et se
moucha :
– Pardonnez-moi
tous les deux, je viens de me conduire comme une enfant et j’en ai honte.
Messire de Commynes... une amitié spontanément donnée est un cadeau du ciel et
je l’accepte aussi simplement qu’elle m’a été offerte. Si le roi ne réclame pas
votre présence ce soir, accepteriez-vous de souper avec nous ?
L’aimable
visage du seigneur flamand s’illumina d’un large sourire... et Fiora en conclut
que la cuisine de l’auberge devait lui être avantageusement connue.
– Très
volontiers ! D’autant que cette longue route que nous avons courue
ensemble m’a affamé et si vous m’acceptez tout
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