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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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parviennent à attirer quelque honorable prétendant, on
la laisse sécher sur pied.
    Quels sont donc les moyens de subsistance pour les femmes
privées de fortune ? La quenouille ou bien leurs charmes, quand elles en ont.
Oui, la prostitution plus ou moins gazée, voilà leur unique ressource, que la
philosophie leur conteste encore ; voilà le sort abject auquel les réduit cette
Civilisation, cet esclavage conjugal qu’elles n’ont même pas songé à attaquer 33 .
    Mariées ou célibataires, les femmes, opprimées par la
civilisation, sont constamment obligées de braver la morale en vigueur pour
obtenir les concessions les plus élémentaires. Les philosophes, gardiens de
cette morale, ont tôt fait de dénoncer la frivolité et la perfidie « innées »
de la gent féminine. Mais Fourier ne considère pas que les « penchants serviles
et perfides » des femmes soient naturels ; il les attribue aux contraintes
sociales :
    Lorsqu’elle raille sur les vices de femmes, [la
philosophie] fait sa propre critique ; c’est elle qui produit ces vices par un
système social qui, comprimant leurs facultés dès l’enfance et pendant tout le
cours de la vie, les force à recourir à la fraude pour se livrer à la nature 34 .
    Juger des femmes d’après le « caractère vicieux qu’elles
déploient en Civilisation », c’est juger du castor d’après son comportement
inerte en captivité. Leur véritable nature, leur « destinée » ne peut se
révéler qu’en Harmonie. L’avenir sera à l’image des grandes reines (Elisabeth,
Catherine, Marie-Thérèse) ou des femmes comme Ninon de Lenclos ou Mme de
Sévigné. Une fois libérées de l’oppressant esclavage conjugal, les femmes
surpasseront les hommes « en dévouement industriel, en loyauté et en noblesse
[...] dans toutes les fonctions d’esprit ou de corps qui ne sont pas l’attribut
de la force physique 35 ».
    Les prises de position de Fourier en faveur des femmes ont
toujours été et restent encore aujourd’hui au palmarès des aspects les mieux
connus de sa pensée. Il est le premier précurseur du socialisme européen à
faire de l’analyse rigoureuse et réfléchie de la situation féminine le pivot
d’une critique fondamentale de la société. Ses écrits sur « la question des
femmes » ont fait l’admiration de Flora Tristan et de nombreuses autres
pionnières du féminisme en France, d’autant plus que ses disciples ont eu à
cœur, dans les années 1830 et 1840, de promouvoir l’émancipation de la femme au
sein du mouvement socialiste.
    Cela dit, il convient de souligner une différence essentielle.
Si les socialistes, dans les années 1840, prônent la libération de la femme au
nom d’une certaine éthique humanitaire, les arguments de Fourier sont avant
tout utilitaires : l’asservissement des femmes est pour lui une « bourde » qui
handicape la société dans son ensemble et en retarde manifestement le
développement économique 36 .
    Pour illustrer son propos, Fourier consacre une partie de son
analyse à l’étude des sociétés non occidentales les plus tolérantes vis-à-vis
des femmes : leur libéralisme est selon lui facteur de progrès économique et
social. Les Japonais, connus (du moins Fourier le croyait-il) pour leur
indulgence envers les femmes et leur absence de jalousie, sont « les plus
industrieux, les plus braves et les plus honorables d’entre les Barbares 37 » ; la découverte de Tahiti a révélé
l’existence d’une société « industrieuse » où l’émancipation des femmes
compense la carence de certaines matières premières, et Fourier assure à qui
veut l’entendre que les coutumes des sauvages tahitiens sont « un avertissement
de la Nature » aux civilisés, la suggestion « d’un Ordre social qui pût réunir
la grande industrie avec la liberté amoureuse 38 ». Ces deux nations sont les « meilleures » et les « plus industrieuses » dans
leur genre. A l’inverse, les nations les plus paresseuses et les plus «
vicieuses » sont celles qui « asservissent davantage les femmes ». La décadence
de la Chine barbare et celle de l’Espagne civilisée sont clairement dues à leur
manque d’égards pour le « sexe faible ». Cette corrélation n’est jamais
fortuite, et Fourier conclut son étude sur « l’avilissement des femmes en
civilisation » par une « thèse générale » :
    Les progrès sociaux et changements de Période s’opèrent en
raison du progrès des femmes vers la liberté,

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