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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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entend
par le terme « monogyne » (quelqu’un de dominé par une unique passion), il ne
trouve pas mieux que de décrire un homme rencontré à l’occasion de l’un de ses
voyages : « C’était un buveur, un monogyne à dominante de goût, tonique de
boisson ; je le vis dans une grande voiture publique. Ce n’était pas un ivrogne
fieffé, mais un homme doué d’un instinct merveilleux pour rapporter au vin
toutes les circonstances de la vie 58 .
»
    Une diligence, écrit Louis Reybaud, est comme un « confessionnal
». Si tel était le cas, Fourier dut être le confident de plus d’un secret. Peu
enclin à partager ses sentiments les plus intimes avec ses familiers, il était
sans doute plus à l’aise avec des inconnus. Il aimait les rencontres de hasard,
l’intimité, grande bien que (ou parce que) sans lendemain, qui naît entre deux
personnes que le hasard fait compagnons le temps d’un voyage. C’est avec de
tels inconnus de rencontre, en particulier des étrangers, que Fourier semble
avoir le plus volontiers parlé de ses propres théories 59 . Réciproquement, il paraît avoir beaucoup
appris d’eux : à tout bout de champ dans ses écrits, et surtout dans ses
manuscrits inédits, on tombe sur des expressions comme « j’entendais conter un
jour » ou « j’entendais des voyageurs qui disaient ». En matière de
comportement sexuel, en particulier, Fourier est, semble-t-il, en grande partie
redevable de sa riche documentation à des confessions que lui ont faites des
inconnus de rencontre 60 . A de
telles confessions, et à la curiosité qu’il n’a jamais cessé de manifester à
l’égard des autres et du métier qu’ils font, il doit ce qu’il sait de la nature
humaine. Ainsi qu’il l’écrit vers la fin de sa vie :
    Si j’ai réussi en études de l’attraction, je le dois en
partie à la précaution d’étudier le peuple, choisir de préférence les localités
où l’on entend ses conversations [...] Dans un coche d’eau où l’on a le choix
entre deux chambrées, je dédaigne celle du beau monde où l’on apprend rien de
neuf, où l’on n’entend que des conversations hypocrites ; et dans la chambrée
du petit monde, j’entends force naïvetés surprenantes, qui mettent à nu les mœurs
du peuple, et qui donnent le démenti à toutes les théories des philosophes sur
le progrès de la morale et du libéralisme 61 .
    Le métier de Fourier et ses contraintes ne lui ont peut-être pas
permis (il s’en plaint souvent) d’étudier ou d’écrire comme il aurait souhaité
: du moins cela lui a-t-il fourni une fenêtre sur la société et sa vie réelle
qui n’a pas été donnée à des observateurs plus cloîtrés dans leur monde. Ces
expériences, il les a vécues de première main ; il a vu la condition des
ouvriers de la soie, les fraudes du commerce, la frustration des pauvres. Ses
dîners à la table d’hôte des pensions, ses voyages en diligence l’ont mis en
contact avec un large échantillonnage d’êtres humains. Ce qu’il a compris de
leurs besoins, de leurs désirs, n’aurait pas pu s’acquérir dans les livres.
Croisé avec ce que lui avait appris l’introspection de ses propres besoins et
désirs, ce fut là le matériau brut à partir duquel il allait construire son
utopie.

CHAPITRE V
Journaliste à Lyon
    Tel Figaro, un journaliste sous Napoléon était totalement libre
de sa plume, à condition de ne parler ni du duc d’Enghien, ni de la Pologne, ni
des Bourbons, ni des Jésuites, ni du prix élevé du sucre, ni des mouvements de
troupes ou de navires, ni des revers de la guerre d’Espagne, ni, à vrai dire, de
rien ayant trait à la politique, la religion ou la morale - sauf à reprendre un
article déjà publié dans Le Moniteur officiel . La couleur a été annoncée
deux mois à peine après le coup d’Etat, avec le décret signé le 17 janvier 1800
par le Premier consul. Ce « monument à la servitude de la presse » a entraîné
du jour au lendemain l’interdiction de presque tous les journaux politiques de
Paris : sur soixante-treize, il n’en reste bientôt plus que treize. En 1811, le
chiffre s’est réduit à onze, fermement tenus en main par le jeu combiné de
subsides impériaux, d’une stricte censure et de l’étroite surveillance exercée
par la police de Fouché. En fait de « nouvelles », le lecteur doit se contenter
des textes de décrets impériaux, de comptes rendus des festivités impériales,
et d’odes à la gloire de

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