Furia Azteca
dévisageaient tous les deux avec stupéfaction et après quelques bredouillements, W‚yay me dit : " C'est pour ça que vous m'avez tiré de mon lit ? Vous avez l'intention d'acheter mon auberge ? On peut tous aller se recoucher, je ne suis pas vendeur.
- Elle ne vous appartient pas, vous en avez seulement la jouissance. quand j'aurai payé la dette avec ses intérêts, vous n'aurez plus rien à faire ici. Allez immédiatement chercher les papiers. "
J'avais l'avantage sur lui car il avait encore l'esprit embrumé par le sommeil, mais le temps que nous mettions à examiner les dessins des chiffres,-il était redevenu aussi précis et aussi s˚r de lui que jamais dans toute sa carrière de prêtre et de commerçant. Je ne veux pas vous ennuyer, mes seigneurs, avec tous les détails de cette négociation. Je vous rappellerai seulement que j'étais expert dans l'art des chiffres et que j'en connaissais toutes les ficelles.
Le total de ce que le défunt mari avait emprunté en 419
marchandises et en espèces s'élevait à une somme rondelette. Cependant, le taux qu'il avait été convenu de payer pour cet emprunt n'était pas excessif, si on ne tenait pas compte de la façon habile dont le prêteur avait arrangé ses calculs. Je ne me souviens pas de tous les chiffres, mais je vais vous en faire une démonstration simplifiée. Admettons que je prête à quelqu'un cent grains de cacao pour un mois, il devra m'en rembourser cent dix. Pour deux mois, cent vingt. Pour trois mois, cent trente, et ainsi de suite. Mais W‚yay avait trouvé l'astuce de rajouter la prime de dix grains à la fin du premier mois et c'est sur ce total de cent dix, qu'il avait calculé la prime suivante. Si bien qu'au bout de deux mois, on lui devait vingt et un grains. La différence peut paraître insignifiante, mais ainsi accumulée tous les mois, et sur des sommes substantielles, le total avait fini par prendre des proportions alarmantes.
J'exigeai qu'on refasse le calcul depuis le début. Ayya, il se mit à
brailler comme il avait d˚ le faire le jour o˘ il s'était réveillé de sa désastreuse extase aux champignons, quand il était prêtre. Mais lorsque je proposai de porter l'affaire devant le bishôsu de Tehuante-pec, il grinça des dents et refit ses calculs sous ma haute surveillance. Puis il fallut débattre sur de nombreux détails, comme les dépenses et les bénéfices de l'auberge pendant les quatre années qu'il l'avait exploitée. quand l'aube parut, nous nous étions enfin mis d'accord sur une somme globale que j'acceptai de lui payer en poussière d'or, en cuivre, en étain et en grains de cacao. Avant de la lui remettre, je lui dis :
" Vous avez oublié une petite chose : ce que je vous dois pour mon hébergement et celui de mes compagnons.
- Ah, c'est vrai, repartit le vieux filou. Vous êtes bien honnête de me le rappeler. " Et il ajouta la somme à son compte.
" Ah, dis-je, comme si je me souvenais tout à coup de quelque chose.
- Oui ? " II attendait, la craie levée, prêt à rajouter un chiffre.
420
" II faut soustraire les quatre années de gage que vous devez à Gié Bêle.
- quoi ? " II semblait complètement interdit. Elle aussi, mais c'était d'admiration.
" Des gages ? ricana-t-il. Cette femme m'a été donnée comme tlacotli.
- Pas si vous aviez été honnête. Regardez un peu vos nouveaux comptes. Le bishôsu aurait pu ne vous accorder que la moitié de la jouissance de cette propriété. Non seulement vous avez floué Gié Bêle, mais encore vous avez réduit une citoyenne libre en esclavage.
- D'accord, d'accord. Nous avons dit, deux grains par jour...
- C'est un salaire d'esclave. C'est l'ancienne patronne de l'auberge que vous avez prise à votre service et cela vaut bien le salaire d'un homme libre à vingt grains par jour. " II se prit la tête dans les mains et se mit à beugler. Je l'achevai : " Vous n'êtes qu'un étranger toléré à
Tehuantepec. Elle, c'est une Ben Zaa comme le bishôsu et si nous allons le voir... "
II cessa immédiatement sa comédie et se remit à gribouiller frénétiquement, pendant que sa sueur coulait sur le papier. A la fin, il se mit à beugler pour de bon. " «a fait plus de vingt-neuf mille grains, plus qu'il n'y en a sur tous les arbustes des Terres Chaudes !
- Convertissez-les en poudre d'or, suggérai-je. «a vous semblera moins important.
- Vous croyez ? " quand il eut terminé son compte, il écumait. " Si j'accepte ce calcul, j'aurai perdu
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