Furia Azteca
marchons.
- Bien s˚r, lui avais-je répondu.
- Et pourquoi pas vers le sud, vers Tehuantepec ?
- Nous n'avons pas de maison là-bas, pas de famille et sans doute pas d'amis. Cela fait... voyons... huit ans que tu en es partie.
- Et qu'est-ce que j'ai à Tenochtitl‚n ? " J'aurais pu lui faire remarquer qu'elle y avait au moins un toit pour dormir, mais je savais de quoi elle voulait parler, aussi, je m'étais contenté de lui répondre : " Tu y retrouveras la même chose que moi, Béu. Des souvenirs.
- De bien tristes souvenirs, Z‚a.
- Je le sais bien, fis-je, sans gentillesse. C'est pareil pour moi. Ils nous suivront partout, de toute manière à Tenochtitl‚n, tu pourras du moins pleurer et te lamenter confortablement. Mais personne ne t'oblige à me suivre. Tu fais ce que tu veux. "
Je me remis alors en marche sans regarder derrière moi, aussi je ne sais pas combien de temps il lui fallut
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pour se décider ; mais lorsque je suis sorti de ma rêverie, elle était à
nouveau à mes côtés.
C'est avec qual‚nqui que j'eus la seconde conversation. Depuis le départ, mes hommes avaient respecté ma tristesse et ma solitude, mais, un jour, qual‚nqui s'était approché de moi en me disant :
" Excusez-moi de faire intrusion dans votre chagrin, Mixtli, mais nous allons bientôt arriver à Tenochtitl‚n et il faut penser à certaines choses.
Nous avons inventé une petite histoire, tous les quatre et nous avons donné
des instructions aux Tecpaneca pour qu'ils disent comme nous. Voilà : alors que nous étions partis - vous, nous et les soldats - pour rendre visite à
la cour de Teohua-can, la colonie a été attaquée par des brigands qui l'ont pillée et qui ont massacré tout le monde. A notre retour, nous nous sommes lancés à la poursuite des malfaiteurs, mais sans aucun résultat. Nous n'avons même pas trouvé une seule flèche dont les plumes auraient pu nous renseigner sur l'origine des pillards. Cette incertitude sur l'identité des criminels empêchera ainsi Motecuzoma de déclarer une guerre immédiate à ces malheureux Teohuacana.
- Très bien, opinai-je. Je dirai la même chose. C'est une très bonne idée, qual‚nqui.
- L'ennui, poursuivit qual‚nqui en toussotant, c'est que vous ne pouvez pas aller raconter ça vous-même à Motecuzoma. Même s'il vous croit, il vous rendra responsable de l'échec de cette expédition et, soit il vous passera une guirlande de fleurs autour du cou soit, s'il est dans de bonnes dispositions, il vous donnera une seconde chance, c'est-à-dire qu'il vous renverra dans ce lieu maudit avec un autre contingent de colons.
- Je n'y retournerai jamais.
- Je le sais bien. Et, en outre, la vérité finira toujours par transpirer.
Il se trouvera bien un soldat tecpaneca pour aller se vanter de la part qu'il a prise au massacre, pour dire qu'il a violé six enfants et un prêtre, par exemple. Motecuzoma l'apprendra et il vous fera mettre à mort.
Je pense que vous devriez nous laisser le soin de lui raconter notre histoire. Nous ne sommes que des mercenaires. Motecuzoma ne s'intéresse pas à nous et
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nous courons donc moins de danger. Je crois aussi que vous feriez mieux de ne pas rentrer à Tenochtitl‚n pour le moment, puisque deux éventualités vous y attendent : la mort ou le renvoi à Yanquitlan.
- Vous avez raison. Je n'ai pensé qu'aux jours sombres qui sont derrière moi, sans envisager ceux qui sont devant. Un vieux proverbe dit que nous sommes nés pour souffrir. qual‚nqui, je vous remercie de vos conseils et de votre amitié. Je vais réfléchir à tout ça. "
A notre arrivée à Cuauhn‚huac, nous prîmes des chambres dans une auberge o˘
je me fis servir à dîner avec Béu et mes quatre compagnons. A la fin du repas, je pris une bourse de poudre d'or dans ma ceinture et je la posai sur la table.
" Voici pour vos services, mes amis.
- C'est beaucoup trop, me dit qual‚nqui.
- Je ne pourrai jamais assez vous payer de ce que vous avez fait pour moi.
J'ai une autre bourse avec du cuivre et des grains de cacao qui sera bien suffisante pour ce que je vais faire maintenant.
- Faire maintenant ? fit écho l'un des vétérans.
- Ce soir, je vous remets mon commandement. Voici mes dernières instructions : Demain, vous prendrez la rive occidentale des lacs pour ramener les troupes à Tla-copan. Ensuite vous gagnerez Tenochtitl‚n et vous escorterez Dame Béu chez elle, avant de vous rendre au palais de l'Orateur Vénéré à
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