Furia Azteca
construit, vous vous en souvenez, pour distraire Motecuzoma.
- Sur la terre ? s'exclama Cuitlahuac incrédule. Il n'y a pas une seule étendue d'eau dans tout Texcala assez profonde pour porter autre chose qu'un acali de pêche. C'est insensé !
- Il est possible que l'humiliation que Cortés vient de subir lui ait dérangé l'esprit, répliqua poliment la souris. Mais je vous assure, Seigneur Orateur, que je dis la vérité et que j'ai toute ma raison. Du moins, je l'avais quand je me suis décidé à risquer ma vie pour venir vous apporter ces nouvelles.
- En tout cas, tu as agi comme un Mexica brave et loyal, répondit Cuitlahuac en souriant. Je t'en suis "reconnaissant. Tu seras récompensé et je te donne la per-1010
mission de quitter cette ville infestée aussi vite que tu le pourras. "
Voilà comment nous e˚mes connaissance des intentions de Cortés. J'ai entendu beaucoup de gens critiquer notre apparente apathie parce que nous n'avons rien fait pour empêcher Cortés de recruter ses troupes. Nous n'avons rien fait parce que nous ne pouvions rien faire. Depuis Zumpango au nord, jusqu'à Xochimilco au sud, de Tlacopan à l'ouest, jusqu'à Texcoco à
l'est, tous ceux qui n'étaient pas eux-mêmes malades étaient occupés à
soigner les mourants. Nous ne pouvions qu'attendre en espérant que nous serions remis avant l'arrivée de Cortés. Nous ne nous faisions aucune illusion à ce sujet ; nous savions qu'il reviendrait. C'est au cours de ce sombre été d'attente que Cuitlahuac fit cette réflexion devant son cousin Cuauhtemoc et moi :
" Je préfère que le trésor reste à jamais au fond du lac, ou même qu'il sombre dans les profondeurs de Mictl‚n, plutôt qu'il tombe dans les mains des Blancs. "
Je doute qu'il ait changé d'avis ensuite, car il n'en eut guère le temps.
Avant la fin de la saison des pluies, il attrapa la petite vérole, vomit tout son sang et mourut. Pauvre Cuitlahuac, il était devenu notre Orateur Vénéré sans les cérémonies d'usage et il mourut peu après sans qu'on lui fît des funérailles dignes de sa position. Il n'eut pas droit aux tambours, au cortège de deuil et au décor habituel ; il ne connut même pas le luxe d'être inhumé. II.y avait trop de morts. On ne trouvait plus de place pour les enterrer, ni de bras pour creuser les tombes. Chaque communauté avait réservé un terrain inutilisé pour empiler et br˚ler les cadavres. A Tenochtitl‚n, on avait choisi un endroit inhabité sur la terre ferme, derrière la colline de Chapultepec. Les barques, propulsées par de vieux rameurs indifférents au mal, allaient et venaient à longueur de journée et le corps de Cuitlahuac fut tout simplement déposé dans l'une d'elles parmi les centaines de morts de la journée.
C'est la petite vérole qui a vaincu les Mexica. Vous savez tout cela, mes révérends, mais y avez-vous jamais songé ? Ces affections que nous ont apportées
1011
vos compatriotes ont avancé plus vite que les troupes elles-mêmes. Certains peuples que les Espagnols avaient projeté de conquérir furent anéantis avant même de savoir qu'ils étaient un objet de conquête. Ils moururent avant d'avoir combattu, avant même d'avoir vu les hommes qui avaient causé
leur trépas. Il est possible que certaines tribus très reculées, comme les Tarahumara et les Zy˚, par exemple, ne sachent même pas que les Blancs existent et pourtant, elles sont peut-être en train de succomber à la petite vérole ou à la peste en ignorant qu'on les a tuées et sans savoir ni pourquoi, ni comment. Vous nous avez apporté la religion chrétienne en nous assurant que Dieu nous accorderait le paradis quand nous mourrons, mais que si nous ne l'acceptons pas, nous serons damnés en enfer. Si seulement, mes révérends, vous pouviez nous expliquer pourquoi Dieu a envoyé à la suite de sa nouvelle religion ces nouvelles maladies si meurtrières, ceux qui en ont réchappé pourraient se joindre à vous pour chanter les louanges de sa sagesse, de sa bonté, de sa pitié et de l'amour paternel qu'il éprouve pour tous ses enfants.
Par un vote unanime" le Conseil désigna le Seigneur Cuauhtemoc pour être le nouveau Uey tlatoani des Mexica. Il serait intéressant d'imaginer ce qu'aurait été notre destin si Cuauhtemoc était monté sur le trône à la mort de son père dix-huit ans auparavant.
quand la chaleur et les pluies de l'été commencèrent à régresser, le tribut macabre de la petite vérole diminua aussi et
Weitere Kostenlose Bücher