Galaad et le Roi Pêcheur
donc à combattre un adversaire éventuel et à mener résolument l’aventure jusqu’à son terme en exorcisant les sortilèges qui semblaient peser sur le lieu. Mais il n’y voyait rien. Tout était noir, tout était sombre.
À la lueur d’un éclair, il aperçut toutefois la main, une main immense, monstrueuse, crispée pour saisir tout ce qui passerait à sa portée. Il s’avança de ce côté et, d’une main ferme, abattit violemment son épée de manière à séparer la main du bras invisible qui la brandissait. Or, devançant le coup, la main lui arracha l’épée du poing et la jeta au sol. Perceval recula, se baissa, récupéra son arme et, d’un geste irrésistible, frappa de nouveau du côté de la main. Et il avait l’impression de l’avoir touchée quand, d’une fenêtre à droite, surgit une tête, peu à peu suivie par les formes indécises d’un torse nu, lequel se révéla progressivement prolongé de bras colossaux. La main réapparut alors, armée d’un tison ardent qu’elle jeta vers Perceval. Malgré le bond qu’il avait fait, celui-ci ne put s’empêcher de recevoir le projectile en pleine figure et d’en avoir les sourcils brûlés. Il se signa à la hâte, ne doutant pas qu’il ne fût assailli par une créature diabolique, et un violent coup de tonnerre éclata, la foudre fendit le mur au-dessous de la fenêtre, et une voix horrible résonna, disant : « Vassal, tu as commis une grande faute en entrant ici ! Sache que c’est pour ton malheur que tu l’as fait, car je vais te tuer de ma propre main, et tu reposeras inerte sur l’autel lorsqu’on te découvrira demain matin ! »
Sans prononcer le moindre mot, Perceval, de sa main levée, fit à nouveau le signe de la croix. Il vit alors la forme monstrueuse bondir en arrière et passer au travers du mur dans un grand tourbillon de vent et d’éclairs. La foudre frappa une solive de la chapelle et, aussitôt, tout l’édifice s’embrasa. Il n’était ni chevron ni planche qu’épargnât le feu, et Perceval fut projeté à terre, juste en dessous de l’autel. Il tenta, mais en vain, de se relever ; la tempête redoublait, et il crut qu’elle allait l’emporter dans les airs au milieu des flammes qui tournoyaient autour de lui. « Pitié, mon Dieu ! » s’écria-t-il, avant de perdre connaissance.
Quand Perceval revint de son évanouissement, le soleil brillait, clair et vermeil. Il se dressa sur son séant et, non sans stupeur, remarqua qu’un cierge, allumé sur l’autel, répandait à l’entour un jour plus éclatant que celui du jour. Au surplus, nulle trace d’incendie : la chapelle était intacte. Perceval se pencha pour examiner le mur au-dessous de la fenêtre sans y repérer la moindre fissure. Mais un regard circulaire lui confirma qu’un homme gisait au même endroit que la nuit précédente, sous l’autel. Apercevant alors une cloche d’où pendait une corde, il eut l’idée d’en sonner pour voir si quelqu’un viendrait. Il tira aussitôt sur la corde, et la cloche émit un tintement clair dans le frais matin. Et, quelques instants plus tard, entra dans la chapelle un très vieil homme vêtu d’une robe de bure grise toute rapiécée. Il avait une barbe qui se prolongeait jusqu’à la ceinture, ses cheveux lui flottaient jusqu’au milieu du dos, et sa peau était toute crevassée. Perceval le salua et l’autre lui rendit son salut en ces termes :
« Seigneur, sois le bienvenu. Si tu as pu passer ici cette nuit sans dommage, c’est que tu es l’un des meilleurs chevaliers de ce monde. Car résister à tous les diables qui viennent chaque nuit hanter cette chapelle n’est pas donné à tout le monde. – Ami, répondit Perceval, dis-moi, je te prie, où je pourrais trouver un prêtre susceptible d’enterrer dignement le mort qui est là, couché sous l’autel. Pour sûr, je ne laisserai pas ce malheureux ainsi et ne partirai qu’il n’ait été mis en terre. – Prêtre je suis, dit le vieillard, n’en doute pas et, pour tout dire, j’ai enseveli, depuis que je réside près de cette chapelle, près de trois mille chevaliers que les diables avaient étranglés et tués. Or, il me semble que l’aventure est terminée puisque tu as soutenu victorieusement leurs assauts pendant toute la nuit. Ne t’inquiète pas, je me chargerai d’enlever le corps de ce malheureux et de lui chanter un service. »
Et ainsi fut fait. Après avoir tous deux tiré le cadavre de sous
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