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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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plus souffrir ma compagnie, il me chassa et n’eut aucune compassion pour moi ni pour tous ceux qui s’intéressaient à moi. Ainsi m’exila-t-il en un lieu désert, avec toute ma maison. Il croyait m’avoir vouée à la pire infortune, mais j’eus assez de sens pour me rebeller et assez de chance pour l’emporter plus qu’à mon tour. Je sus séduire nombre de ses gens qui le quittèrent en ma faveur. Leurs moindres requêtes, je les leur accorde, et au-delà. Nuit et jour je suis en guerre contre celui qui m’a causé si grand tort. J’ai rassemblé une forte troupe de chevaliers et d’hommes d’armes de toutes sortes, et il n’est homme sage qui n’ait pris mon parti.
    — Dans ce cas, dit Perceval, tu n’as pas lieu de te prétendre déshéritée ! – Tu te trompes, Perceval, repartit la jeune femme. Cet homme n’a pas encore suffisamment payé l’affront qu’il m’infligea. Aussi, te connaissant pour un bon chevalier, je suis venue réclamer ton appui. Tu me le dois, puisque tu es compagnon de la Table Ronde et, en tant que tel, ne peux refuser ton soutien à une femme outragée. Souviens-toi : le jour où tu as été admis par le roi Arthur à la Table Ronde, tu as fait serment de venir en aide à toute dame ou jeune fille qui t’en prierait. – C’est exact, admit Perceval, j’ai prêté ce serment. Je t’aiderai donc comme tu m’en pries. – Fort bien, Perceval, je te remercie. Je vois que tu es fidèle à ta parole. »
    Ils devisèrent longtemps encore sur ce ton. La jeune femme avait fait jeter l’ancre, et l’après-midi s’avançait. Le soleil brillait clair et ardent. Elle dit à Perceval : « Il y a dans cette nef le plus somptueux pavillon de soie que tu aies jamais vu. Si tu le souhaites, je le ferai tendre ici, sur le rivage, pour te préserver de l’ardeur du soleil. » Perceval ayant répondu qu’il acceptait volontiers, elle donna des ordres, et deux valets montèrent le pavillon dans l’île. « Viens te reposer, dit-elle encore, jusqu’à ce que la nuit descende, et ôte-toi de ce soleil brûlant. » Il entra et, après que la jeune femme l’eut fait désarmer, il s’allongea, vêtu d’une tunique, sur le lit tendu de soieries et sombra instantanément dans un profond sommeil.
    Quand il s’éveilla, des heures plus tard, et demanda à manger, la jeune femme, qui s’était assise auprès de lui, fit servir une prodigieuse abondance de mets, et ils se mirent à table tous deux. Pour peu qu’il désirât boire, on remplissait sa coupe du vin le meilleur et le plus fort qu’il eût jamais bu, et dont la provenance l’intriguait beaucoup, car, en ce temps-là, on ne trouvait de vin, dans l’île de Bretagne, que chez les gens les plus fortunés. Le commun ne buvait que de la cervoise ou des boissons qu’on préparait soi-même avec du miel, de l’eau et diverses plantes. Or, Perceval but tant et tant qu’il s’en trouva tout échauffé et qu’en regardant la jeune femme il jugea qu’il n’était beauté qui lui fût comparable. Elle lui plaisait à ce point, par sa parure et ses doux propos, qu’il s’enflamma plus que de raison et se mit à l’entretenir de bien des choses qui lui traversaient la cervelle. Il en vint même à la requérir d’amour et à la prier d’être sienne : Elle s’en défendit de son mieux, le repoussant lorsque ses gestes devenaient plus audacieux, le calmant de-ci de-là par des mots sévères, et cela seulement parce qu’elle voulait l’enflammer d’un désir encore plus ardent. Et lui insistait, la pressait, ne cessait de la supplier.
    Quand elle le vit embrasé sans retour possible, elle dit brusquement : « Perceval, sache-le, je n’accéderai à ton désir que si tu me promets d’être à moi, entièrement et uniquement à moi, sans partage, et de me seconder contre mes ennemis en n’obéissant qu’à mes ordres. » Il était si impatient de la posséder qu’il s’engagea sans hésiter à faire tout ce qu’elle demanderait. « Me le jures-tu en loyal chevalier ? demanda-t-elle à nouveau. – Oui, dit-il, je le jure sur mon honneur ! – Eh bien, soupira-t-elle, dans ce cas je me donne à toi de grand cœur. Mais sache aussi que tu m’as moins désirée que je ne te désirais moi-même. Tu es, de tous les chevaliers que j’ai connus, celui que j’ai le plus vivement voulu voir m’accoler dans un lit. »
    Elle commanda à ses valets de dresser sous le pavillon la couche la plus belle

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